Acte quatrième

 

Scène première

Le thèâtre représente l'intérieur du temple de Diane. La statue de la déesse, élevée sur une estrade, est au milieu, en avant; sur un des côtés on voi l'autel des sacrifices.
Iphigénie, seule, aux pieds de la statue.

 Q 

Iphigénie

 

 

Non, cet affreux devoir je ne puis le remplir.  

En faveur de ce Grec un dieu parle sans doute.

Au sacrifice affreux que mon âme redoute,

non, je ne pourrais consentir !

 

Je t'implore et je tremble, ô déesse implacable !  

Dans le fond de mon cœur mets la férocité:

etouffe de l'humanité

la voix plaintive et lamentable.

Hélas ! et quelle est donc la rigueur de mon sort:

d'un sanglant ministère,

victime involontaire,

j'obéis, et mon cœur est en proie au remords.

 

Scène deuxième

Iphigénie, Les Prêtresses, Oreste.

<- Les prêtresses, Oreste

 

CHŒUR DES PRÊTRESSES

Ô Diane, sois-nous propice !  

La victime est parée, et l'on va l'immoler !

Puisse le sang qui va couler,

puissent nos pleurs apaiser ta justice !

 

IPHIGÉNIE

La force m'abandonne; ô moment douloureux !  

ORESTE

Voilà le terme heureux de mes longues souffrances;

puisse-t-il l'être aussi, grands dieux, de vos vengeances !

IPHIGÉNIE

Ô ciel !

ORESTE

(à Iphigénie)

Séchez les pleurs qui coulent de vos yeux;

ne plaignez pas mon sort, la mort fait mon envie:

frappez !

IPHIGÉNIE

Ah ! cachez-moi cette horrible vertu.

Les dieux protégeaient votre vie;

mais vous allez mourir, et vous l'avez voulu.

ORESTE

Ces dieux m'en avaient fait un devoir nécessaire.

En voulant prolonger mon sort

vous commettiez un crime involontaire.

IPHIGÉNIE

Un crime ? ah ! c'en est un de vous donner la mort !

ORESTE

Que ces regrets touchants pour mon cœur ont de charmes

qu'ils adoucissent mes tourments !

Depuis l'instant fatal... hélas ! depuis longtemps,

personne à mes malheurs n'avait donné des larmes.

IPHIGÉNIE

Hélas !

 
(Les Prêtresses environnent Oreste et le conduisent dans le sanctuaire où elles l'ornent de bandelettes et de guirlandes.)

CHŒUR DES PRÊTRESSES

Chaste fille de Latone,  

prête l'oreille à nos chants:

que nous vœux, que notre encens

s'élèvent jusqu'à ton trône.

Dans les cieux et sur la terre

tout est soumis à ta loi.

Tout ce que l'Erèbe enserre,

a ton nom pâlit d'effroi !

En tous temps on te consulte,

dans la paix, dans les combats;

et l'on t'offre le seul culte

révéré dans ces climats.

Chaste fille de Latone

prête l'oreille à nos chants:

que nous vœux, que notre encens

s'élèvent jusqu'à ton trône.

(Lorsqu'Oreste est paré de guirlandes, on le conduit derrière l'autel; on brûle des parfums autour de lui, on le purifie en faisant des libations sur sa tête.)
 

IPHIGÉNIE

Quel moment ! dieux puissants, secourez-moi !  

QUATRE PRÊTRESSES

(guidant Iphigénie vers l'autel; à Iphigénie)

Approchez, souveraine prêtresse,

remplissez votre auguste emploi !

IPHIGÉNIE

(marchant péniblement vers l'autel)

Barbares, arrêtez, respectez ma faiblesse.

(Une prêtresse lui présente le couteau sacré.)

Dieux ! tout mon sang se glace dans mon cœur

je tremble, et mon bras, plus timide...

LES PRÊTRESSES

Frappez.

ORESTE

Ainsi tu fus jadis immolée en Aulide,

Iphigénie, ô ma sœur !

IPHIGÉNIE

Mon frère !... Oreste !...

LES PRÊTRESSES

Oreste ! notre roi !

ORESTE

Qu'entend-je ? Se peut-il ?

IPHIGÉNIE

Oui, c'est lui, c'est mon frère.

ORESTE

Ma sœur ! Iphigénie ! est-ce elle que je vois ?

IPHIGÉNIE

Oui, c'est elle qu'aux fureurs d'un père,

qu'à la rage des Grecs, Diane a su soustraire

LES PRÊTRESSES

Oui, c'est Iphigénie !

IPHIGÉNIE

(se jetant dans les bras d'Oreste)

Ô mon frère !

ORESTE

Ô ma sœur !

Oui c'est vous, oui, tout mon cœur me l'atteste.

IPHIGÉNIE

Ô mon frère ! ô mon cher Oreste !

ORESTE

Quoi, vous pouvez m'aimer ? Vous n'avez point horreur...

IPHIGÉNIE

Ah ! laissons-là ce souvenir funeste,

laissez-moi ressentir l'excès de mon bonheur:

sans te connaître encore je t'avais dans mon cœur,

au ciel, à l'univers, je demandais mon frère...

le voilà, je le tiens ! il est entre mes bras !...

Mais que vois-je ?

 

Scène troisième

Les précédents, une Femme grecque.

<- Une femme grecque

 

UNE FEMME GRECQUE

Tremblez ! tremblez ! on sait tout le mystère.  

Le tyran porte ici ses pas.

Il sait qu'un des captifs destinés au supplice,

sauvé par vous, fuyait loin de ces lieux:

le tyran, furieux,

vient de l'autre à l'instant presser le sacrifice !

 

LES PRÊTRESSES

Grands dieux ! secourez-nous.

 

IPHIGÉNIE

Il ne se fera pas,  

ce sacrifice abominable, impie...

Vous, sauvez votre roi des fureurs de Thoas;

il est du sang des dieux, ils défendront sa vie !

 

Scène quatrième

Les précédents, Thoas, Les Gardes, Suite.

<- Thoas, Les gardes, Suite

 

THOAS

(à Iphigénie)  

De tes forfaits la trame est découverte:

tu trahissais les deieux et conjurais ma perte.

Il est temps de punir ta noire perfidie,

il est temps que le ciel soit enfin satisfait.

Immole ce captif: que tout son sang expie

et ton audace et ton forfait !

IPHIGÉNIE

Qu'oses-tu proposer, barbare ?

THOAS

Obéissez aux dieux.

Ensemble

LES PRÊTRESSES

Sauvez-nous, justes cieux.

Éloignez les horreurs que ce moment prépare !

 

THOAS

(aux prêtresses)

Le ciel parle, il suffit.

(aux gardes)

Gardes, secondez-mois !

qu'on la saisisse !

IPHIGÉNIE

Ô ciel ! qu'oses-tu faire ?

THOAS

(aux gardes)

Qu'on le traîne à l'autel !

IPHIGÉNIE

(se precipitant au devant des gardes)

Cruel, il est mon frère !

THOAS

Ton frère !

ORESTE

Oui, je le suis !

IPHIGÉNIE

C'est mon frère et mon roi,

le fils d'Agamemnon.

THOAS

Frappez ! quel qu'il puisse être !

IPHIGÉNIE

(aux gardes)

N'approchez pas !

(aux prêtresses)

Et vous, défendez votre maître !

Les prêtresses forment un demi-cercle et placent Oreste entre elles et le sanctuaire.

THOAS

(aux gardes)

Lâches, vous reculez d'effroi !...

J'immolerai moi-même, aux yeux de la déesse,

et la victime et la prêtresse.

ORESTE

L'immoler ? qui, ma sœur ?

On entend un grand bruit derrière le thèâtre.

THOAS

Oui, je dois la punir.

Et tout son sang...

 

Scène cinquième

Les précédents, Pylade, troupe de Grecs.

<- Pylade, Grecs

 

PYLADE

C'est à toi de mourir.  

LES GARDES DU ROI

Vengeons le sang de notre roi,

frappons !

IPHIGÉNIE

Grands dieux ! sauvez mon frère !

Ensemble

LES PRÊTRESSES

Grands dieux ! sauvez son frère !

(les Grecs chargent les Scytes)

PYLADE

(aux Grecs)

Courage, mes amis, et suivez-moi !

ORESTE

Pylade ! ô mon dieu tutélaire !

PYLADE

O mon unique ami !

IPHIGÉNIE

Grands dieux, secourez-nous !

Grands dieux, sauvez mon frére !

Ensemble

LES PRÊTRESSES

Grands dieux, secourez-nous !

Grands dieux, sauvez son frére !

 

CHŒUR DES GRECS

De ce peuple odieux  

exterminons jusqu'au moindre reste;

servons la vengeance céleste,

et purifions ces lieux,

au nom de Pylade et d'Oreste.

 

Scène sixième

Les précédents, Diane (descendant dans un nuage, au milieu des combattants. Les Scythes et les Grecs tombent à genoux à la voix de la déesse. Iphigénie et les prêtresses lèvent les mains vers elle).

<- Diane

 

DIANE

Arrêtez ! écoutez mes décrets éternels...  

Scythes, aux mains des Grecs remettez mes images:

vous avez trop longtemps, dans ces climats sauvages,

déshonoré mes lois et mes autels.

(à Oreste)

Je prends soin de ta destinée, Oreste !

Tes remords effacent tes forfaits;

Mycène attend son roi; vas-y reigner en paix

et rends Iphigénie à la Grèce étonnée.

 
(Diane remonte au ciel.)

Diane ->

 

Scène septième

Iphigénie, Oreste, Pylade, Les Prêtresses, Thoas, Scythes, Grecs.

 

PYLADE

Ta sœur ! qu'ai-je entendu ?  

ORESTE

Partage mon bonheur.

 

 

Dans cet objet touchant à qui je dois la vie,  

et qu'un penchant si doux rendait cher à mon cœur,

connais ma sœur Iphigénie !

 

CHŒUR

Les dieux, longtemps en courroux,

ont accompli leurs oracle !

Ne redoutons plus d'obstacles,

un jour plus pur luit sur nous.

Une paix douce et profonde

réigne sur le sein de l'onde;

la mer, la terre et les cieux,

tout favorise nos vœux.

 

Fin (Acte quatrième)

Acte premier Acte deuxième Acte troisième Acte quatrième

L'intérieur du temple de Diane. La statue de la déesse, élevée sur une estrade, est au milieu, en avant.

Iphigénie
 

Non, cet affreux devoir je ne puis le remplir.

Iphigénie
<- Les prêtresses, Oreste

La force m'abandonne; ô moment douloureux!

Quel moment! dieux puissants, secourez-moi!

Iphigénie, Les prêtresses, Oreste
<- Une femme grecque

Il ne se fera pas

Iphigénie, Les prêtresses, Oreste, Une femme grecque
<- Thoas, Les gardes, Suite
Thoas, Iphigénie, Les prêtresses, Oreste
De tes forfaits la trame est découverte

(On entend un grand bruit derrière le thèâtre.)

 
Iphigénie, Les prêtresses, Oreste, Une femme grecque, Thoas, Les gardes, Suite
<- Pylade, Grecs
Pylade, Iphigénie, Les Prêtresses, Oreste
C'est à toi de mourir.

(Diane descend dans un nuage, au milieu des combattants. Les Scythes et les Grecs tombent à genoux à la voix de la déesse.)

Iphigénie, Les prêtresses, Oreste, Une femme grecque, Thoas, Les gardes, Suite, Pylade, Grecs
<- Diane

Arrêtez! écoutez mes décrets éternels...

(Diane remonte au ciel.)

Iphigénie, Les prêtresses, Oreste, Une femme grecque, Thoas, Les gardes, Suite, Pylade, Grecs
Diane ->

Ta sœur! qu'ai-je entendu?

 
Scène première Scène deuxième Scène troisième Scène quatrième Scène cinquième Scène sixième Scène septième
Le thèâtre représente une mer qui devient orageuse, d'aprés la progression dela musique; sur les côtés des... Un appartement intérieur du temple destine aux victimes. Appartement d'Iphigénie. L'intérieur du temple de Diane. La statue de la déesse, élevée sur une estrade, est au milieu, en avant.
Acte premier Acte deuxième Acte troisième

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