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Scène première |
Le thèâtre représente, dans le fond, une mer qui devient orageuse, d'aprés la progression dela musique; sur les côtés des rochers; sur le devant, une colonnade représentant le vestibule du temple de Diane; on voit dans le lontain deux vaisseaux qui s'abîment. On entend dés le commencement de la symphonie, quelques coups de tonnerre qui se succèdent plus rapidement, à mesure qu'elle marche. Elle finit par une tempête furieuse. Le jour est commencé, mais il reste obscuré par les nuages et le thèâtre n'est éclairé que par la lueur des éclats. Iphigénie, Les Prêtresses. |
Q
Iphigénie, Les prêtresses, Première prêtresse, Deuxième prêtresse
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IPHIGÉNIE |
(pendant que la tempête cesse)
Grands dieux ! soyez-nous secourables,
détournez vos foudres vengeurs;
tonnez sur les têtes coupables;
l'innocence habite nos cœurs.
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CHŒUR DES PRÊTRESSES
Grands dieux ! soyez-nous secourables,
détournez vos foudres vengeurs;
tonnez sur les têtes coupables;
l'innocence habite nos cœurs.
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IPHIGÉNIE |
Si ces bords cruels et sinistres
sont l'objet de votre courroux,
daignez à vos faibles ministres
offrir des asiles plus doux.
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CHŒUR DES PRÊTRESSES
Grands dieux ! soyez-nous secourables,
détournez vos foudres vengeurs;
tonnez sur les têtes coupables;
l'innocence habite nos cœurs.
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IPHIGÉNIE |
Que nos mains saintement barbares
n'ensanglantent plus vos autels !
Rendez ces peuples plus avares
du sang des malheureux mortels.
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CHŒUR DES PRÊTRESSES
Grands dieux ! soyez-nous secourables,
détournez vos foudres vengeurs;
tonnez sur les têtes coupables;
l'innocence habite nos cœurs.
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Pendant les deux dernières strophes, l'orage diminue insensiblement, le tonnerre s'éloigne, cesse, et le jour croît et s'éclaircit à mesure que la scène avance. | |
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IPHIGÉNIE |
Ces dieux que notre voix implore
apaisent enfin leur rigueur:
le calme reparaît. Mais au fond de mon cœur,
hélas ! l'orage habite encore.
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PREMIÈRE PRÊTRESSE |
Iphigénie, ô ciel, craindrait-elle un malheur ?
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DEUXIÈME PRÊTRESSE |
D'où naît le trouble affreux dont votre âme est saisie ?
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IPHIGÉNIE |
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PREMIÈRE PRÊTRESSE |
Ah ! parlez, divine Iphigénie,
nos malheurs sont communs; loin de notre patrie,
conduites avec vous sur ce funeste bord,
n'avons-nous pas toujours partagé votre sort ?
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IPHIGÉNIE |
Cette nuit... j'ai revu le palais de mon père,
j'allais jouir de ses embrassements.
J'oubliais, en ces doux moments,
ses anciennes rigueurs et quinze ans de misère...
La terre tremble sous mes pas,
le soleil indigné fuit ces lieux qu'il abhorre,
le feu brille dans l'air, ei la foudre en éclats
tombe sur le palais, l'embrase et le dévore !
Du milieu des débris fumants
sort une voix plaintive et tendre:
jusqu'au fond de mon cœur elle se fait entendre;
je vole à ces tristes accents...
A mes yeux aussitôt se présente mon père,
sanglant, percé de coups, et d'un spectre inhumain
fuyant la rage meurtrière;
ce spectre affreux, c'était ma mère !
Elle m'arme d'un glaive et disparaît soudain,
je veux fuir... on me crie: Arrête ! c'est Oreste:
je vois un malheureux, et je lui tends la main,
je veux le secourir; un ascendant funeste
forçait mon bras à lui percer le sein !
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CHŒUR DES PRÊTRESSES
Ô songe affreux ! nuit effroyable !
ô douleur ! ô mortel effroi !
Ton courroux est-il implacable ?
Entends nos cris, ô ciel ! apaise-toi !
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IPHIGÉNIE |
Ô race de Pélops ! race toujours fatale !
Jusque dans ses derniers neveux
le ciel poursuit encore le crime de Tantale.
Le roi des rois, le sang des dieux,
Agamemnon descend dans la nuit infernale.
Son fils du moins restait à ma douleur,
j'attendais de lui seul la fin de ma misère;
Ô mon cher Oreste, ô mon frère !
Tu ne sécheras pas les larmes de ta sœur.
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DEUXIÈME PRÊTRESSE |
Calmez ce désespoir où votre âme est livrée,
les dieux conserveront cette tête sacrée,
osez tout espérer.
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IPHIGÉNIE |
Non, je n'espère plus.
Depuis que je respire, en butte a leur colère,
d'opprobre et de malheur tous mes jours sont tissus;
ils y mettent le comble: ils m'enlèvent mon frère !
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Ô toi qui prolongeas mes jours,
reprends un bien que je déteste,
Diane, je t'implore, arrêtes-en le cours,
rejoins Iphigénie au malheureux Oreste.
Hélas ! tout m'en fait une loi,
la mort me devient nécessaire;
j'ai vu s'élever contre moi
les dieux, ma patrie et mon père.
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CHŒUR DES PRÊTRESSES
Quand verrons-nous tarir nos pleurs ?
La source en est-elle infinie ?
Ah, dans un cercle de douleurs
le ciel marque le cours de notre vie !
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Scène deuxième |
Iphigénie, Les Prêtresses, Thoas, Gardes. |
<- Thoas, Gardes
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THOAS |
(à part)
Dieux ! le malheur en tous lieux suit mes pas;
des cris du désespoir ces voûtes retentissent...
(à Iphigénie)
Prêtresse, dissipez les terreurs de Thoas,
interprète des dieux, que vos vœux les fléchissent !
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IPHIGÉNIE |
A mes gémissements le ciel est sourd, hélas !
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THOAS |
Ce ne sont pas des pleurs, c'est du sang qu'il demande.
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IPHIGÉNIE |
Quelle effroyable offrande !
Apaise-t-on les dieux par des assassinats ?
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THOAS |
Le ciel par d'éclatants miracles
a daigné s'expliquer à vous;
mes jours sont menacés par la voix des oracles,
si d'un seul étranger relégué parmi nous,
le sang échappe à leur courroux !
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De noirs pressentiments mon âme intimidée,
de sinistres terreurs est sans cesse obsédée.
Le jour blesse mes yeux et semble s'obscurcir,
j'éprouve l'effroi des coupables !
Je crois voir sous mes pas la terre s'entrouvrir
et l'enfer prêt à m'engloutir
dans ses abîmes effroyables !
Je ne sais quelle voix crie au fond de mon cœur:
« Tremble, ton supplice s'apprête ! »
La nuit de ces tourments redouble encore l'horreur,
et les foudres d'un dieu vengeur
semblent suspendus sur ma tête.
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Scène troisième |
Les précédents, Les Scythes entrent en foule. |
<- Scythes, Un scythe
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CHŒUR DES SCYTHES
Les dieux apaisent leur courroux,
ils nous amènent des victimes;
a ces justes vengeurs de crimes
que leur sang soit offert pour nous !
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IPHIGÉNIE |
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THOAS |
Grands dieux, recevez nos offrandes !
Moins je les espérais, plus vos faveurs sont grandes !
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UN SCYTHE |
Deux jeunes Grecs échoués sur ces bords,
ont longtemps, contre nous, tenté de se défendre;
ils viennent enfin de se rendre,
après de pénibles efforts;
l'un d'eux était rempli d'un désespoir farouche:
les mots de crime, de remords,
etaient sans cesse dans sa bouche:
il détestait la vie, il appelait la mort !
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CHŒUR DES SCYTHES
Les dieux apaisent leur courroux,
ils nous amènent des victimes;
a ces justes vengeurs de crimes
que leur sang soit offert pour nous !
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IPHIGÉNIE |
(à part)
Dieux ! Étouffez en moi le cri de la nature !
Si mon devoir est saint, hélas, qu'il est cruel !
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THOAS |
(à Iphigénie)
Allez, et les captifs vont vous suivre à l'autel.
Pour moi, qu'un trop sinistre augure
menace du courroux des dieux,
ma présence pourrait nuire à vos saints mystères.
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| Iphigénie et les prêtresses sortent. | Iphigénie, Les prêtresses, Première prêtresse, Deuxième prêtresse ->
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Scène quatrième |
Thoas, Gardes, Scythes. |
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THOAS |
(au peuple)
Et vous, à nos dieux tutélaires
adressez vos chants belliqueux,
que vos justes transports pénètrent jusqu'aux cieux !
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| (Ici le peuple exprime sa joie barbare dans un divertissement très court.) | |
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CHŒUR DES SCYTHES
Il nous fallait du sang pour expier nos crimes;
les captifs sont aux fers ei les autels sont prêts:
les dieux nous ont eux-mêmes amené les victimes;
que la reconnaissance égale les bienfaits.
Sous le couteau sacré que leur sang rejaillisse,
que leur aspect impur n'infecte plus ces lieux !
Offrons leur sang en sacrifice,
c'est un encens digne des dieux !
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Ballet. | |
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Scène cinquième |
Les précédents, Oreste e et Pylade enchaînés (Oreste a les yeux fixés à terre et parait accabblé). |
<- Oreste, Pylade
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THOAS |
Malheureux ! quel dessein à vous-mêmes contraire
vous amenait dans mes etats ?
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PYLADE |
Notre projet est un mystère.
C'est le secret des dieux. Tu ne le sauras pas.
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THOAS |
De ton arrogance hautaine
la mort sera le prix. Gardes, qu'on les emmène !
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| (Les gardes emmènent Oreste et Pylade) | |
ORESTE |
(à Pylade)
O mon ami ! c'est moi qui cause ton trépas !
| Oreste, Pylade ->
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Scène sixième |
Thoas, Gardes, Peuple. |
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CHŒUR DES SCYTHES
Il nous fallait du sang pour expier nos crimes;
les captifs sont aux fers ei les autels sont prêts:
les dieux nous ont eux-mêmes amené les victimes;
que la reconnaissance égale les bienfaits.
Sous le couteau sacré que leur sang rejaillisse,
que leur aspect impur n'infecte plus ces lieux !
Offrons leur sang en sacrifice,
c'est un encens digne des dieux !
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