Acte deuxième

 

Scène première

Le thèâtre représent un appartement intérieur du temple destine aux victimes. Sur un des côtés ce trouve un autel.
Oreste et Pylade, enchainés.

 Q 

Oreste, Pylade

 

PYLADE

Quel silence effrayant ! quelle douleur funeste !  

Quoi ! tu ne me réponds que par des longs sanglots ?

Que peut la mort sur l'âme des héros ?

Ne suis-je plus Pylade, et n'es-tu plus Oreste ?

ORESTE

Dieux ! à quelles horreurs m'aviez-vous réservé ?

D'un aveugle destin déplorable victime,

partout errant et partout réprouve,

mon sort est accompli, j'etais né pour le crime.

PYLADE

Que dis-tu ? quel est ce remord ?

Quel nouveau crime enfin ?

ORESTE

Je t'ai donné la mort.

Ce n'était pas assez que ma main meurtrière

eût plongé le poignard dans le cœur d'une mère.

Les dieux me réservaient pour un forfait nouveau:

je n'avais qu'un ami, je deviens son bourreau !

 

Dieux qui me poursuivez, dieux, auteurs de mes crimes,  

de l'enfer, sous mes pas, entrouvrez les abîmes;

ses supplices pour moi seront encore trop doux !

J'ai trahi l'amitié, j'ai trahi la nature,

des plus noirs attentats j'ai comblé la mesure.

Dieux, frappez le coupable et justifiez-vous !

 

PYLADE

Quel langage accablant pour un ami qui t'aime !  

Reviens à toi, mourons dignes de nous:

cesse, dans ta fureur extrême,

d'outrager et les dieux, et Pylade, et toi-même.

Si le trépas nous est inévitable,

quelle vaine terreur te fait pâlir pour moi ?

Je ne suis pas si miserable,

puisqu'enfin je meurs près de toi !

 

Unis dès la plus tendre enfance  

nous n'avions qu'un même désir;

ah ! mon cœur applaudit d'avance

au coup qui va nous réunir;

le sort nous fait périr ensemble,

n'en accuse point la rigueur:

la mort même est une faveur,

puisque le tombeau nous rassemble.

 

Scène deuxième

Oreste, Pylade, un Ministre du sanctuaire, Gardes du temple.

<- Le ministre, Gardes du temple

 

LE MINISTRE

Etrangers malheureux, il faut vous séparer !  

(à Pylade)

Vous, suivez-moi !

PYLADE, ORESTE

Grands dieux ! qu'ordonnes-tu, barbare ?

ORESTE

(à Pylade)

Non, ne me quitte pas, ami fidèle et rare !

PYLADE, ORESTE

Cruels, faut-il vous implorer ?

(aux gardes)

Hâtez la mort qu'on nous prépare;

mais laissez-nous la recevoir tous deux.

Vos glaives, vos bûchers sont cent fois moins affreux

que le moment qui nous sépare !

LE MINISTRE

J'obéis â nos lois, j'obéis à nos dieux.

(aux gardes)

Qu'on le conduise !

ORESTE

(au Ministre)

Arrête !...

PYLADE

(s'arrachant avec peine des bras d'Oreste)

Hélas !

(Pylade, le Ministre et les gardes sortent.)

Pylade, Le ministre, Gardes du temple ->

 

ORESTE

Monstres sauvages.  

On te l'enlève, hélas ! Pylade est mort pour toi...

 

Scène troisième

Oreste seul.

 

 

Dieux protecteurs de ces affreux rivages,  

dieux avides de sang, tonnez, écrasez-moi !

Où suis-je ? à l'horreur qui m'obsède

quelle tranquillité succède ?

 

Le calme rentre dans mon cœur...    

Mes maux ont donc lassé la colère céleste,

je touche au terme du malheur !

Vous laissez respirer le parricide Oreste.

Dieux justes ! Ciel vengeur !

Oui, le calme rentre dans mon cœur...

S

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Scène quatrième

Les Euménides, Oreste.

<- Les Euménides

 
(Les Euménides sortent du fond du thèâtre et entourent Oreste. Les unes exécutent autour de lui un ballet-pantomine de terreur; les autres lui parlent. Oreste est sence connaissance pendant toute cette scène.)

LES EUMÉNIDES

Vengeons et la nature et les dieux en courroux !  

Inventons des tourments... il a tué sa mère.

ORESTE

Ah !

LES EUMÉNIDES

Point de grâce ! Il a tué sa mère !

Vengeons et la nature et les dieux en courroux !

ORESTE

Ah ! quels tourments !

LES EUMÉNIDES

Ils sont encore trop doux.

Vengeons et la nature et les dieux en courroux !

Il a tué sa mère !

 
L'ombre de Clytemnestre paraît au milieu des furies et s'abîme aussitôt.
 

ORESTE

Un spectre !... ah, ah !  

LES EUMÉNIDES

Point de grâce, il a tué sa mère !

ORESTE

Ayez pitié ! ayez pitié !

LES EUMÉNIDES

De la pitié ? le monstre ! il a tué sa mère !

Égalons, s'il se peut, sa rage meurtrière,

ce crime affreux ne peut être expié !

ORESTE

Ayez pitié ! dieux cruels !

LES EUMÉNIDES

Ton forfait ne peut être expié !

 
Le portes de l'appatement s'ouvrent. Les Prêtresses paraissent, les Furies s'abîment sans pouvoir être aperçues.
 

Scène cinquième

Oreste, Iphigénie, Les Prêtresses.

<- Les prêtresses, Deux prêtresses, Iphigénie

 

ORESTE

(apercevant Iphigénie)  

Ma mère ! Ciel !

IPHIGÉNIE

(à Oreste)

Je vois toute l'horreur

que ma présence vous inspire.

Mais au fond de mon cœur,

etranger malheureux, si vos yeux pouvaient lire,

autant que je vous plains, vous plaindriez mon sort.

ORESTE

(à part)

Quels traits ! quel étonnant rapport !

IPHIGÉNIE

(aux Prêtresses)

Qu'on détache ses fers.

(à Oreste)

Quels bords vous ont vu naître ?

Que veniez-vous chercher dans ces climats affreux ?

ORESTE

(à part)

Quel vain désir vous porte à me connaître ?

IPHIGÉNIE

Parlez !

ORESTE

(à part)

Que lui répondre ? Ô dieux !

IPHIGÉNIE

D'où vient que votre cœur soupire ?

Qu'êtes-vous ?

ORESTE

Malheureux ! C'est assez vous en dire.

IPHIGÉNIE

De grâce, répondez: de quels lieux venez-vous ?

Quel sang vous donna l'être ?

ORESTE

Vous le voulez ? Mycènes m'a vu naître !

IPHIGÉNIE

Dieux, qu'entends-je ? Achevez, dites... informez-nous

du sort d'Agamemnon, de celui de la Grèce !

ORESTE

Agamemnon ?

IPHIGÉNIE

D'où naît la douleur qui vous presse ?

ORESTE

Agamemnon...

IPHIGÉNIE

Je vois couler vos pleurs !

ORESTE

...sous un fer parricide est tombé !

IPHIGÉNIE

(à part)

Je me meurs !

ORESTE

(à part)

Quelle est donc cette femme ?

IPHIGÉNIE

Et quel monstre exécrable

a sur un roi si grand osé lever le bras ?

ORESTE

Au nom des dieux, ne m'interrogez pas !

IPHIGÉNIE

Au nom des dieux, parlez !

ORESTE

Ce monstre abominable,

c'est...

IPHIGÉNIE

Achevez ! vous me faites frémir.

ORESTE

...son épouse !

IPHIGÉNIE

Grands dieux ! Clytemnestre ?

ORESTE

Elle-même !

LES PRÊTRESSES

Ciel !

IPHIGÉNIE

Et des dieux vengeurs la justice suprême

a vu ce crime atroce ?

ORESTE

(égaré)

Elle a su le punir.

Son fils...

IPHIGÉNIE

Ô ciel !

ORESTE

Il a vengé son père.

IPHIGÉNIE, LES PRÊTRESSES

De forfaits sur forfaits quel assemblage affreux !

Ensemble

ORESTE

De mes forfaits quel assemblage affreux !

 

IPHIGÉNIE

Et ce fils qui du ciel a servi la colère,

ce fatal instrument de la vengeance des dieux...

ORESTE

A rencontré la mort qu'il a longtemps cherchée.

Electre dans Mycènes est seule demeurée.

IPHIGÉNIE

(se ritirant sur un des côtés de la scène)

C'en est fait ! Tous les miens ont subi le trépas.

Tristes pressentiments, vous ne me trompez pas.

(à Oreste)

Eloignez-vous, je suis assez instruite.

 
(Deux Prêtresses accompagnent Oreste.)

Deux prêtresses, Oreste ->

 

Scène sixième

Iphigénie, Les Prêtresses.

 

IPHIGÉNIE

Ô ciel ! de mes tourments la cause et le témoin,  

jouissez des malheur où vous m'avez réduite;

il ne pouvait aller plus loin.

 

CHŒUR DES PRÊTRESSES

Patrie infortunée,  

où par des noeuds si doux

notre âme est enchaînée,

vous avez disparu pour nous.

 

IPHIGÉNIE

Ô malheureuse Iphigénie !    

Ta famille est anéantie !

(aux Prêtresses)

Vous n'avez plus de rois, je n'ai plus de parents;

mêlez vos cris plaintifs à mes gémissements !

S

LES PRÊTRESSES

Mêlons nos cris plaintifs à ses gémissements !

IPHIGÉNIE

Vous n'avez plus de rois, je n'ai plus de parents.

LES PRÊTRESSES

Nous n'avions d'espérance, hélas ! que dans Oreste:

nous avons tout perdu, nul espoir ne nous reste.

 

IPHIGÉNIE

Honorez avec moi ce héros qui n'est plus;  

du moins qu'aux mânes de mon frère

les derniers devoirs soient rendus !

Apportez-moi la coupe funéraire,

offrons à cette ombre si chère

les froids honneurs qui lui sont dus.

 
(On apporte la coupe et l'on commence les cérémonies funèbres.)

LES PRÊTRESSES

Contemplez ces tristes apprêts,  

mânes sacrés, ombre plaintive,

que nos larmes, que nos regrets,

pénètrent l'infernale rive !

IPHIGÉNIE

Ô mon frère, daignez entendre

les accents de ma douleur;

que les regrets de ta sour

jusqu'à toi puissent descendre !

LES PRÊTRESSES

Contemplez ces tristes apprêts,

mânes sacrés, ombre plaintive,

que nos larmes, que nos regrets,

pénètrent l'infernale rive !

 

Fin (Acte deuxième)

Acte premier Acte deuxième Acte troisième Acte quatrième

Un appartement intérieur du temple destine aux victimes.

Oreste, Pylade
 

Quel silence effrayant! quelle douleur funeste!

Quel langage accablant pour un ami qui t'aime!

Oreste, Pylade
<- Le ministre, Gardes du temple

Etrangers malheureux, il faut vous séparer!

Oreste
Pylade, Le ministre, Gardes du temple ->

Monstres sauvages

Dieux protecteurs de ces affreux rivages

Oreste
<- Les Euménides

(L'ombre de Clytemnestre paraît au milieu des furies et s'abîme aussitôt.)

Un spectre!... ah, ah!

(Le portes de l'appatement s'ouvrent. Les Prêtresses paraissent, les Furies s'abîment sans pouvoir être aperçues.)

Oreste, Les Euménides
<- Les prêtresses, Deux prêtresses, Iphigénie

Ma mère! Ciel!

Les Euménides, Les prêtresses, Iphigénie
Deux prêtresses, Oreste ->

Ô ciel! de mes tourments la cause et le témoin

Les prêtresses
Patrie infortunée
Iphigénie, Les Prêtresses
Ô malheureuse Iphigénie!

Honorez avec moi ce héros qui n'est plus

Les Prêtresses, Iphigénie
Contemplez ces tristes apprêts
 
Scène première Scène deuxième Scène troisième Scène quatrième Scène cinquième Scène sixième
Le thèâtre représente une mer qui devient orageuse, d'aprés la progression dela musique; sur les côtés des... Un appartement intérieur du temple destine aux victimes. Appartement d'Iphigénie. L'intérieur du temple de Diane. La statue de la déesse, élevée sur une estrade, est au milieu, en avant.
Acte premier Acte troisième Acte quatrième

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