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Le théâtre réprésente, dans le fond, d'un côté, le camp des Grecs; et, de l'autre, une des façades du palais d'Agamemnon. | Q
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Scène première |
Agamemnon seul. |
Agamemnon
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[N. 1 - Récitatif et Air] | N
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Diane impitoyable, en vain vous l'ordonnez
cet affreux sacrifice;
en vain vous promettez de nous être propice,
de nous rendre les vents par votre ordre enchainés.
Non, la Grèce outragée,
des Troyens, à ce prix, ne sera pas vengée.
Je renonce aux honneurs qui m'étoient destinés;
et dût-il m'en coûter la vie,
on n'immolera point ma fille Iphigénie.
Diane impitoyable, en vain vous l'ordonnez.
| S
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Brillant auteur de la lumière,
verrois-tu, sans pâlir, le plus grand des forfaits ?
Dieu bienfaisant, exauce ma prière,
et remplis les vœux que je fais !
Sur la route de Mycène,
dirige le fidèle Arcas;
que, trompant ma fille et la reine,
elles pensent qu'Achille, oubliant tant d'appas,
songe à former une autre chaîne;
qu'elles retournent sur leurs pas.
Brillant auteur, de la lumière,
etc.
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Si ma fille arrive en Aulide,
si son fatal destin la conduit dans ces lieux;
rien ne la peut sauver du transport homicide
de Calchas, des Grecs et des dieux.
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Scène seconde |
Calchas, Agamemnon, Grecs. |
<- Calchas, Grecs, Généraux grecs
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[N. 2 - Chœur] | N
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CHŒUR |
C'est trop faire de résistance;
il faut, des dieux irrités
nous révéler les volontés,
ô Calchas, rompez le silence !
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GÉNÉRAUX GRECS |
Parlez : pour calmer leur courroux,
quel sacrifice exigent-ils de nous ?
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CALCHAS |
Pourquoi me faire violence !
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CHŒUR |
C'est trop faire de résistance;
il faut, des dieux irrités
nous révéler les volontés,
ô Calchas, rompez le silence !
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CALCHAS |
Le ciel répond à votre impatience.
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CALCHAS |
D'une sainte terreur tous mes sens sont saisis:
Diane, ô puissante déesse
ton esprit m'agite et me presse,
j'annonce, en frémissant, l'ordre que tu préscris.
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Tu veux que par ma main tremblante
le sang le plus pûr soit versé...
Quoi ! ton courroux ne peut être appaisé
que par une offrande sanglante ?
Que de cris, que de pleurs !
Ô père déplorable !
Ô divinité redoutable !
Adoucis tes rigueurs.
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AGAMEMNON, CALCHAS |
O divinité redoutable !
adoucis tes rigueurs.
Grecs, pourrez-vous l'offrir cet affreux sacrifice ?
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CHŒUR |
Nomme-nous la victime, et s'il faut l'immoler,
sur l'autel, par nos mains, tout son sang va couler.
Ô Diane ! sois-nous propice,
conduis-nous au bord Phrygien;
que notre fureur s'assouvisse
dans le sang du dernier Troyen !
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CALCHAS |
Soyez contens, allez; et, ce jour même,
la victime à l'autel remplira vos souhaits.
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| Grecs, Généraux grecs ->
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Scène troisième |
Agamemnon, Calchas. |
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[N. 3 - Récitatif et Air] | N
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CALCHAS |
Vous voyez leur fureur extrême,
et vous savez des dieux la volonté suprême.
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AGAMEMNON |
Ah ! ne me parlez plus de ces dieux que je hais.
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CALCHAS |
Téméraire ! arrêtez; redoutez leur vengeance !
Par une prompte obéissance,
vous en pouvez encore prévenir les effets:
soumettez-vous, sans résistance,
à leurs inflexibles décrets.
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AGAMEMNON
Peuvent-ils ordonner qu'un père
de sa main présente à l'autel
et pare du bandeau mortel
le front d'une victime et si tendre et si chère ?
Je n'obéirai point à cet ordre inhumain.
J'entends retentir dans mon sein
le cri plaintif de la nature;
elle parle à mon cœur, et sa voix est plus sûre
que les oracles du destin.
Je n'obéirai point à cet ordre inhumain.
| S
(♦)
(♦)
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CALCHAS |
Vous oseriez être parjure ?...
Le ciel a reçu vos sermens.
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AGAMEMNON |
Je connois mes engagemens.
Sur ces bords malheureux, si ma fille appellée,
obéit, je consens qu'elle soit immolée.
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CALCHAS |
On croit tromper les dieux avec de vains détours;
mais jusqu'au fond des cœurs leur œil perçant sait lire.
S'il faut qu'Iphigénie expire,
vous tentez vainement de conserver ses jours;
malgré vous, à l'autel ils sauront la conduire...
Ils y traînent déjà ses pas.
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| <- Grecs
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[N. 4 - Chœur, Récitatif et Air] | N
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CHŒUR (de Grecs qui traversent le théâtre)
Clytemnestre et sa fille, ô dieux ! que d'allégresse:
courons admirer tant d'appas.
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| Grecs ->
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AGAMEMNON |
Ma fille, je frémis... ô douleur ! ô tendresse !
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Scène quatrième |
Agamemnon, Calchas. |
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CALCHAS |
Au faîte des grandeurs, mortels impérieux,
voyez quelle est votre foiblesse:
rois, sous qui tout fléchit, fléchissez sous les dieux.
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AGAMEMNON |
Dieux cruels ! vous voulez opprimer l'innocence.
Accablé sous votre puissance,
je ne puis résister à votre volonté.
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| (On entend derrière le théâtre une symphonie.) | |
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Qu'entends-je, juste ciel !
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CALCHAS |
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AGAMEMNON |
Ah ! Calchas, que son nom soit encore un mystère.
Dieux ! que de pleurs va répandre une mère !
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| Calchas, Agamemnon ->
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Scène cinquième |
Clytemnestre, Iphigénie, Grecs et Grecques de leur suite, Aulidiens, Aulidiennes. |
<- Clytemnestre, Iphigénie, Grecs et Greques de leur suite, Une greque, Une autre, Aulidiens, Aulidiennes
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| (Clytemnestre et Iphigénie arrivent sur le théâtre, montées sur un char antique, accompagnées des femmes de leur suite. Ce char est suivi et précédé d'une garde magnifiquement vêtue. Un peuple immense entoure et suit, en dansant et en chantant.) | |
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[N. 5 - Chœur] | N
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CHŒUR
Que d'attraits, que de majesté !
Que de grâces, que de beauté !
Qu'aux auteurs de ses jours elle doit être chère !
Agamemnon est à la fois
le plus fortuné père,
le plus heureux époux et le plus grand des rois.
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[N. 6 - Air] | N
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CLYTEMNESTRE (après être descendu du char, et en approchant sur le devant du théâtre)
Que j'aime à voir ces hommages flatteurs,
qu'ici l'on s'empresse à vous rendre !
Pour une mère tendre,
que ce spectacle a de douceurs !
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Demeurez dans ces lieux, ma fille; sans partage,
recevez les honneurs qui nous sont addressés.
Je vais voir, si le roi de nos vœux empressés
consent à recevoir l'hommage.
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| (Clytemnestre sort suivie d'une partie de la garde.) | Clytemnestre ->
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[N. 7 - Ballet] | N
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[N. 8 - Chœur et Solo] | N
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Une Greque, alternativement avec le chœur. | |
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CHŒUR |
Non, jamais, aux regards du perfide Pâris,
les trois rivales immortelles
qui, sur le mont Ida, disputèrent le prix,
n'offrirent tant d'appas, ne parurent si belles.
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UNE GREQUE |
À la suprême majesté
de la jalouse déité,
qui règne sur les airs, que l'Olympe révère;
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UNE AUTRE |
à la redoutable fierté
de la déesse de la guerre;
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UNE TROISIÈME |
au sourire enchanteur de la tendre Vénus;
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UNE GREQUE, UNE AUTRE, UNE TROISIÈME |
elle unit toutes les vertus
de la fille du dieu qui lance le tonnerre.
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CHŒUR |
Non, jamais, aux regards du perfide Pâris,
les trois rivales immortelles
qui, sur le mont Ida, disputèrent le prix,
n'offrirent tant d'appas, ne parurent si belles.
| |
UNE GREQUE |
Qui pourra jamais se flater
d'obtenir de l'hymen cette Thétis nouvelle ?
S'il étoit un mortel qui pût la mériterm
Achille seul paroîtroit digne d'elle.
Non, jamais aux regards du perfide Pâris,
les trois rivales immortelles
qui, sur le mont Ida, disputèrent le prix,
n'offrirent tant d'appas, ne parurent si belles.
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[N. 9 - Ballet] | N
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[N. 10 - Air] | N
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IPHIGÉNIE
Les vœux dont ce peuple m'honore,
peuvent-ils flatter mes souhaits ?
Achille à mes yeux inquiets
ne s'offre point encore.
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| (Suite du divertissement.) | |
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[N. 11 - Ballet] | N
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Scène sixième |
Iphigénie, Clytemnestre, Peuple. |
<- Clytemnestre
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[N. 12 - Récitatif] | N
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CLYTEMNESTRE (au peuple) |
Allez...
(à Iphigénie)
Il faut sauver notre gloire offensée,
ma fille, il faut partir à l'instant de ces lieux.
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IPHIGÉNIE |
Sortir sans voir Achille ! ô dieux !
Lui de qui l'ardeur empressée...
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CLYTEMNESTRE |
Achille désormais doit vous être odieux:
indigne de l'honneur promis à sa tendresse,
dans de nouveaux liens ses vœux sont retenus.
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IPHIGÉNIE |
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CLYTEMNESTRE |
Agamemnon, redoutant que la Grèce
ne vous vît exposée à l'affront d'un refus,
vous ordonnait de fuir loin de l'Aulide,
et d'aller, dans Argos, oublier le perfide.
Arcas nous apportoit ces ordres absolus;
mais nos pas égarés trompant sa diligence,
il ne vient que dans ce moment,
de s'acquitter des soins commis à sa prudence,
et de me confirmer ce fatal changement.
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IPHIGÉNIE |
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[N. 13 - Air] | N
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CLYTEMNESTRE
Armez-vous d'un noble courage;
étouffez des soupirs, trop indignes de vous;
n'écoutez qu'un juste courroux,
contre un amant qui vous outrage.
Que votre père et les dieux irrités,
ces dieux jaloux dont vous sortez,
s'arment, pour le punir, de toute leur puissance;
et que le cri de la vengeance
retentisse de tous côtés !
Armez-vous d'un noble courage;
étouffez des soupirs trop indignes de vous,
n'écoutez qu'un juste courroux,
contre un amant qui vous outrage.
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| Clytemnestre, Grecs et Greques de leur suite, Une greque, Une autre, Aulidiens, Aulidiennes ->
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Scène septième |
Iphigénie seule. |
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[N. 14 - Récitatif et Air] | N
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L'ai-je bien entendu, grands dieux ! le puis-je croire,
qu'oubliant ses engagemens,
Achille, au mépris de sa gloire,
au mépris de l'amour, trahisse ses sermens ?
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Hélas ! mon cœur sensible et tendre,
de ce jeune héros s'était laissé charmer !
La gloire et le devoir m'ordonnoient de l'aimer,
et, d'accord avec eux, l'amour vint me surprendre.
Parjure ! tu m'oses trahir;
un autre objet a su te plaire:
je te dois toute ma colère;
je forcerai mon cœur à te haïr.
Que sa tendresse avoit pour moi de charmes !
Qu'il est cruel d'y renoncer !
De mes yeux, malgré moi, je sens couler des larmes;
est-ce pour un ingrat qu'ils en devraient verser ?
Un autre objet a su te plaire:
parjure ! tu m'oses trahir;
je te dois toute ma colère,
je forcerai mon cœur à te haïr.
| S
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Scène huitième |
Iphigénie, Achille. |
<- Achille
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[N. 15 - Récitatif et Air] | N
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ACHILLE |
En croirai-je mes yeux ! ô ciel ! vous en Aulide,
princesse ?
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IPHIGÉNIE |
Quel que soit le dessein qui me guide,
ma gloire ne pourra du moins me reprocher
que c'est Achille ici que mon cœur vient chercher.
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ACHILLE |
Qu'entends-je ? quel discours ! est ce à moi qu'il
s'adresse ?
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IPHIGÉNIE |
De votre nouvelle tendresse,
suivez, suivez les mouvemens;
votre infidélité n'aura rien qui me blesse,
et vous pouvez former d'autres engagemens.
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ACHILLE |
D'autres engagemens !... De cette perfidie
qui m'ose accuser ?
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IPHIGÉNIE |
Moi... que vous avez trahie.
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ACHILLE |
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IPHIGÉNIE |
Malgré tant de sermens...
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ACHILLE |
Cesser d'aimer Iphigénie !...
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IPHIGÉNIE |
Rompre la chaîne qui nous lie !
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ACHILLE |
Moi, briser des nœuds si charmans !
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IPHIGÉNIE |
Oui, vous brûlez que je ne sois partie...
Rassurez-vous; bientôt, au gré de votre envie,
mon départ pour Argos, que pressent vos désirs,
va laisser un champ libre à vos nouveaux soupirs.
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ACHILLE |
Ah, c'en est trop; d'un vain caprice
Achille peut, de vos charmes épris,
sans murmurer, supporter l'injustice;
mais son cœur n'est point fait pour souffrir de mépris.
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IPHIGÉNIE
Iphigénie, hélas ! vous a trop fait connoître,
pour sa gloire et pour son bonheur,
que l'estime et l'amour, peut-être,
lui parloient en votre faveur.
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[N. 16 - Récitatif et Air] | N
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ACHILLE |
S'il étoit vrai, votre amour et ma gloire
vous auroient-ils permis ces soupçons odieux ?
Achille vous trahir ! grands dieux !
Ah ! pour vous pardonner d'avoir osé le croire,
il faut tout l'excès de mes feux.
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Cruelle, non, jamais votre insensible cœur
ne fut touché de mon amour extrême:
si vous m'aimiez autant que je vous aime,
vous ne douteriez pas de ma fidèle ardeur.
Vous pouvez affliger un cœur qui vous adore,
par des soupçons injurieux,
et lui faire un tourment affreux,
du feu constant qui le dévore.
Cruelle, non, jamais votre insensible cœur
ne fut touché de mon amour extrême:
si vous m'aimiez autant que je vous aime,
vous ne douteriez pas de ma fidèle ardeur.
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[N. 17 - Récitatif et Duo] | N
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IPHIGÉNIE |
Mon trouble, mes soupçons, mon dépit, ma douleur,
tout vous a prouvé ma foiblesse:
il vous est bien aisé de tromper ma tendresse;
à vous croire mon cœur n'est que trop empressé.
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ACHILLE |
Ne doutez jamais de ma flâme;
de ce doute cruel mon amour est blessé.
| S
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IPHIGÉNIE |
Vous le banissez de mon ame;
je sens que pour jamais il en est effacé.
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ACHILLE |
Iphigénie, ô ciel ! m'a pu croire infidèle !
Par d'odieux soupçons elle a pu m'outrager !
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IPHIGÉNIE |
Ne me reprochez point une erreur trop cruelle:
les maux que j'ai soufferts, ont bien su vous venger.
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IPHIGÉNIE
Que votre amour pour mon cœur a de charmes !
Hymen, viens calmer nos alarmes,
par des liens charmans viens unir, en ce jour,
deux cœurs formés pour toi par les mains de l'amour.
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Ensemble
ACHILLE
Que cet aveu pour mon cœur a de charmes !
Hymen, viens calmer nos alarmes,
par des liens charmans viens unir, en ce jour,
deux cœurs formés pour toi par les mains de l'amour.
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Fin du première acte. | |
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