Acte troisième

 

Scène première

La tante, Jeannette, Bertrand.

La tante, Jeannette, Bertrand

 
[N. 17 - Entr'acte]

 N 

 

LA TANTE

Oui, c'est ta faute; oui, c'est ta faute: sitôt que tu l'as vu si fâché, que ne lui as-tu dit que cela n'étoit pas vrai ?  

JEANNETTE

Est-ce qu'on ne m'avoit pas défendu de le dire ?

LA TANTE

Oui, mais ensuite, ensuite.

JEANNETTE

Il ne m'a seulement pas laissé commencer la chanson.

LA TANTE

Hé bien, il falloit toujours lui dire.

BERTRAND

C'est vous qui avez voulu tout cela. Oui, c'est vous qui êtes la cause de sa mort.

LA TANTE

La cause de sa mort ! Ah, ciel ! peux-tu dire une pareille chose ? La cause de sa mort !

BERTRAND

Oui, il est bien temps.

LA TANTE

Et toi, grand lâche, grand misérable que tu es, quand on te dit de courir après lui, tu fais semblant d'y aller.

BERTRAND

C'est moi qui étais le marié: est-ce que je pouvais quitter ?

LA TANTE

Ah ! fusses-tu à sa place.

BERTRAND

A sa place ! ah, je n'aurois pas fait comme lui: je me serois bien informé à tout le monde.

LA TANTE

Ah, ciel ! ah ! je le pleurerai, je le pleurerai toute ma vie, oui, toute ma vie... Quoi ! ce pauvre Alexis...

JEANNETTE

Hé ! ma marraine, ne pleurez donc pas comme ça.

BERTRAND

Ah ! le voici.

LA TANTE

Comme il est changé !

BERTRAND

Comme il est triste !

 

Scène seconde

La tante, Alexis, Bertrand, Jeannette.

<- Alexis

 

LA TANTE

Ah ! mon cher Alexis, je suis au désespoir...  

ALEXIS

Bonjour, ma tante, bonjour.

LA TANTE

Je te demande pardon: c'est nous, c'est moi qui suis la cause de tout ça.

BERTRAND

C'est moi qui étois le marié.

JEANNETTE

J'ai voulu vous le dire: n'est-il pas vrai que vous m'avez dit que vous me tueriez ?

ALEXIS

Ne parlons plus de cela, c'est un malheur. Où est Louise ? et pourquoi son père n'est-il pas ici ?

LA TANTE

Ah, son père ! son père ? le voilà qui arrive dans le village. Il étoit en pleurs, il se jetoit par terre, il se frappoit la tête; il ne veut pas se relever: nous sommes tous à gémir. Si on pouvoit te racheter avec de l'argent, nous donnerions tout, jusqu'à nos hardes.

BERTRAND

Tien, moi, je donnerois tout ce que j'ai.

ALEXIS

Et madame la duchesse sait-elle cela ?

LA TANTE

Nous y avons tous couru; elle n'est pas au château.

BERTRAND

Ah, au château ! la belle noce qu'elle te préparoit !

ALEXIS

Et Louise, l'avez-vous vue ?

LA TANTE

Non.

BERTRAND

On ne sait où elle est.

ALEXIS

Quoi ? personne... quoi ? personne n'est avec elle ? Ah ! il lui sera arrivé quelque malheur.

JEANNETTE

Non, je l'ai vue courir: je l'ai appelée, elle ne m'a pas répondu.

ALEXIS

Ah ! ma tante, consolez-la, ne la quittez pas: vous ne pouvez plus me rendre aucun service. Vous perdez votre neveu.

LA TANTE

Je te perds, ah, quel malheur !

ALEXIS

Qu'elle soit votre nièce, je vous en prie. Elle devoit l'être.

LA TANTE

Je te le promets.

ALEXIS

Hé, comment a-t-elle pu consentir à ce cruel badinage ?

LA TANTE

Elle ne le vouloit pas; elle s'écrioit, moi, à sa place, j'en mourrois. Mais madame la duchesse l'avoit ordonné, et son père et moi nous l'y avons forcée.

JEANNETTE

Hé, puis elle disoit comme ça: il ne le croira pas, il ne le croira pas.

ALEXIS

C'est vrai, je ne devois pas le croire.

BERTRAND

Oui, oui, c'est bien vrai, tu ne devois pas le croire.

ALEXIS

Partez, ma tante, partez; tâchez de m'envoyer Jean-Louis. Si Louise... si Louise veut me voir encore, venez avec elle, et ne la quittez pas.

LA TANTE

Oui, mon cher Alexis

ALEXIS

Promettez-le moi.

LA TANTE

Je te le jure... Ah, ciel !

JEANNETTE
(à Bertrand, à part)

Est-ce que c'est pour aujourd'hui ?

BERTRAND
(à part)

On dit comme ça que c'est pour quatre heures.

ALEXIS

Adieu, ma tante, adieu Bertrand, adieu, la jeune enfant. De qui est-elle fille ?

LA TANTE

De Simonneau.

ALEXIS

Quoi ? cette petite fille que j'ai vue... Elle est bien grande. Bien mes amitiés à ton père, je t'en prie. Adieu ma tante.

BERTRAND

Adieu donc.

 

La tante, Jeannette, Bertrand ->

 

Scène troisième

Le Geolier, Alexis

<- Le geolier

 

LE GEOLIER

Tenez, voilà une plume et de l'encre: la plume est bonne, et voilà du papier blanc: il y en a pour six sous. Et qui est-ce qui me payera ?  

ALEXIS

Voilà un petit écu.

LE GEOLIER

C'est bon: je vous rendrai... je vous rendrai... Mais, tenez, je vais vous apporter une pinte de vin: aussi-bien voilà Montauciel.

 

Le geolier ->

 

Scène quatrième

Montauciel, Alexis.

<- Montauciel

 

MONTAUCIEL

Soit, me voilà prêt. Ah, ah, vous allez écrire; vous êtes bien heureux, vous savez écrire, vous. Ah, déluge ! ah, mort ! ah, sang ! ah, que je suis un grand malheureux !  

ALEXIS

Qu'avez-vous ?

MONTAUCIEL

Ce que j'ai ? le diable, le diable, puisqu'il faut vous le dire. Que diriez-vous d'un misérable, d'un coquin comme moi, brave homme d'ailleurs ? Comment, morbleu, il y a cinq ans que j'aurois eu la brigade, si j'avois sçu lire. A la compagnie on est dérangé: on boit avec l'un, on boit avec l'autre. Je me fais mettre en prison, afin d'avoir un quart-d'heure à moi pour apprendre; et d'aujourd'hui, d'aujourd'hui, morbleu, Montauciel n'a pas étudié. Ah, malheureux ! ah, coquin ! ah, scélérat !

ALEXIS

Hé bien, étudiez.

MONTAUCIEL

Vous avez raison. Voilà de l'écriture qu'un de mes camarades m'a faite; car je suis déjà avancé: j'épelle mes lettres.

 
[N. 18 - Ariette]

 N 

V, o, u, s, e, t, et te,  

trompette, trompette !

B, l, a, n, c, b, e, c,

blessé, trompette blessé,

maudit l'infernal

faiseur de grimoire,

dont l'esprit fatal

mit dans sa mémoire

tout ce bacchanale.

Sans cette écriture

et sans la lecture

ne peut-on, morbleu,

manger, rire et boire,

marcher à la gloire

et courir au feu ?

 

ALEXIS

Camarade, ne pouvez-vous étudier plus bas ?  

MONTAUCIEL

Non, car je ne m'entendrois pas; mais je m'en vais plus loin.

(Il se retire au fond du théâtre.)

ALEXIS

En vous remerciant.

MONTAUCIEL

Pourriez-vous , sans vous déranger s'entend, après que vous aurez fait votre affaire: pourriez-vous me ranger là une autre file d'écriture ? II n'y en a là qu'une; et je crois que je la fais bientôt: sans vous déranger cependant.

ALEXIS

Avec plaisir: quand vous reviendrez.

MONTAUCIEL

Ah, vous avez le temps.

 
[N. 19 - Ariette]

 N 

 

ALEXIS

(écrit, et s'interromp quelquefois)  

Il m'eût été si doux de t'embrasser

avant l'instant que je vois s'avancer.

Ta présence eût mis quelques charmes

dans l'horreur qui vient m'oppresser.

Mais je ne verrai pas tes larmes:

il m'est plus doux de m'en passer.

Parmi mes spectateurs, dans cette foule errante

qui vient s'amuser du malheur,

mes yeux te chercheront, je verrai ta douleur;

ton nom sera dans ma bouche mourante:

que le mien quelquefois revive dans ton cœur.

Aime ton père, et que jamais reproche

à mon sujet ne sorte de ton sein.

Mais... mais... tu ne viens pas, et mon heure s'approche:

si ton père en est cause, étoit-ce son dessein ?

Tu ne viens pas et mon heure s'approche;

il m'eût été si doux de t'embrasser

avant l'instant que je vois s'avancer.

 

MONTAUCIEL

Camarade, vous qui savez lire, pourriez-vous me dire comme il y a là ?  

ALEXIS

(regarde le papier et le rend)

Vous êtes un blanc bec.

MONTAUCIEL

Un blanc bec. Qu'est-ce qu'un blanc bec ? C'est vous qui en êtes un, sarpeguié, et je vous donnerai mon poing sur le visage.

 
Montauciel lui porte le poing sous le nez; Alexis se leve, lui donne un coup dans l'estomac: il tombe du coup à la renverse. Le geôlier arrive au premier cris: il apporte du vin.
 

ALEXIS

Les hommes sont bien terribles; il y a de cruelles gens.

 

Alexis ->

 

Scène cinquième

Le Geolier, Montauciel

<- Le geolier

 

LE GEOLIER

Qu'est-ce que c'est que ça, qu'est-ce que c'est que ça ? Comment, vous vous battez ? J'ai cru que vous alliez boire.  

MONTAUCIEL

(s'essuyant le nez)

Ah, morbleu; tu me le payeras. Montauciel un blanc bec: sacre, mort, un blanc-bec !

LE GEOLIER

Hé, pour quelle raison ?

MONTAUCIEL

Il ne sera pas toujours en prison: je veux lui faire mettre l'épée à la main. Un blanc bec, un blanc bec ! morbleu, quand il sera hors d'ici, l'épée à la main, mon ami, ou je te coupe le visage.

LE GEOLIER

Je t'en défie.

MONTAUCIEL

Tu m'en défies. Pourquoi m'en défier ?

LE GEOLIER

Dans deux heures il va être fusillé.

MONTAUCIEL

Ah, je ne m'en souvenois plus: je ne m'étonne pas.

LE GEOLIER

Hé, comment votre querelle est-elle venue ? J'ai cru que vous alliez boire ensemble.

MONTAUCIEL

J'ai été honnête avec lui, parce qu'il est savant, il sait lire et écrire. J'ai été me fourrer dans ce coin-là pendant toutes ses écritures. Je lui ai apporté un papier que voilà; et je l'ai prié de me dire comment il y avoit, à un endroit que je n'ai pu lire. Il m'a dit: Allez, vous n'êtes qu'un blanc bec; et il m'a jeté mon papier au nez.

LE GEOLIER

Il a eu tort.

MONTAUCIEL

(en cet instant, ramasse le papier)

Hé bien, comment y a-t-il là ?

LE GEOLIER

Vous êtes un blanc bec.

MONTAUCIEL

Vous êtes...

LE GEOLIER

Vous êtes un blanc bec.

MONTAUCIEL

Il y a là-dessus: vous êtes un blanc bec ?

LE GEOLIER

Oui.

MONTAUCIEL

Un blanc bec. B, l, a, n, c.

LE GEOLIER

Blanc.

MONTAUCIEL

B, e, c.

LE GEOLIER

Bec, blanc-bec.

MONTAUCIEL

Comment, il n'y a pas là trompette blessé ?

LE GEOLIER

Parbleu, non; il y a, vous êtes un blanc bec.

MONTAUCIEL

Il n'a donc pas tant de tort de m'avoir donné un coup de poing. Étoit-ce un coup de poing ?

LE GEOLIER

Je n'en sois rien. mois en tout cas il étoit fier, car tu étois tombé par terre.

MONTAUCIEL

Hé, voilà Courchemin...

 

Scène sixième

Le Geolier, Courchemin, Montauciel.

<- Courchemin

 

LE GEOLIER

Hé! bonjour, Courchemin.  

COURCHEMIN

Hé, bonjour Crik, bonjour Montauciel: ouf. Ah, que j'ai bon besoin d'un verre de vin.

MONTAUCIEL

Le voilà!... Hé d'où viens-tu comme ça ?

COURCHEMIN

(après avoir bu)

En te remerciant... je suis venu au grand galop, ventre à terre: on me l'avoit commandé. Mais j'ai vu, j'ai vu... sarpebleu, que j'ai chaud,

(il s'essuie)

j'ai vu une fille qui couroit à pied, en tenant ses souliers à la main ! Ah ! je n'ai jamais vu aller de cette vitesse là: elle sautoit les fossés, elle coupoit les vignes, les haies, les sentiers; elle avoit plus d'un affaire.

LE GEOLIER

Hé, pourquoi es-tu venu ici ?

COURCHEMIN

J'ai remis un paquet au grand-prévôt.

LE GEOLIER

Et le roi est-il venu au camp ?

COURCHEMIN

Oui.

MONTAUCIEL

Tête, mort, ventre.

LE GEOLIER

Qu'est-ce donc que tu as ?

MONTAUCIEL

Comment, le roi est venu au camp, et Montauciel n'y étoit pas !

COURCHEMIN

Tu es donc aussi fou qu'à l'ordinaire.

MONTAUCIEL

Le roi est venu au camp, et Montauciel n'y étoit pas ? Mille bombes ! je n'ai pas vu le roi. Je n'étudierai de ma vie.

(Il déchire son papier.)

LE GEOLIER

Y a-t-il quelque chose de nouveau au camp ?

MONTAUCIEL
(à part)

Morbleu !

COURCHEMIN

Tais-toi donc. Il y a l'histoire d'une jeune fille.

LE GEOLIER

D'une fille ?

MONTAUCIEL

D'une fille ? dis donc, dis donc.

COURCHEMIN

Attendez donc, que je me rappelle.

 
[N. 20 - Ariette]

 N 

 

Le roi passoit, et le tambour    

battoit au champ: une fille bien faite

perce la file; elle crie, elle court,

tombe à genoux en pleurs; le roi s'arrête,

le roi l'écoute; on ignoroit pourquoi;

alors on a fait un silence,

puis aussi-tôt un même cri s'élance,

vive à jamais, vive, vive le roi !

On m'a conté qu'elle disoit: « Ah, sire,

c'est mon amant, et s'il faut qu'il expire,

que j'éprouve le même sort !

Mais non, qu'il vive, et commandez, oui, sire,

plutôt qu'à lui, qu'on me donne la mort.

Que suis-je, moi ? moins que rien sur la terre:

trop faible, hélas, pour travailler aux champs;

et mon amant pourroit aider mon père

dans ses travaux au déclin de ses ans. »

De vieux soldats pleuroient, même des courtisans,

le roi pourtant ne pleroit pas; la grace

est accordée, on ne sait ce que c'est.

S

 

MONTAUCIEL

Ensuite?

LE GEOLIER

Hé bien?

COURCHEMIN

Je te l'ai dit.

MONTAUCIEL

Après?

COURCHEMIN

Je te l'ai dit, au milieu de la place,

le roi passoit, et le tambour

battoit aux champs: une fille bien faite

perce la file; elle crie, elle court,

tombe à genoux en pleurs; le roi s'arrête,

le roi l'écoute; on ignoroit pourquoi;

alors on a fait un silence,

puis tout à coup un même cri s'élance:

vive à jamais, vive, vive le roi !

 

MONTAUCIEL

Et le tambour battoit aux champs !  

LE GEOLIER

Et l'a-t-on envoyée en prison ?

COURCHEMIN

Bon, en prison: on croit que la grâce est accordée; car on lui a donné un papier.

MONTAUCIEL

Qu'est-ce que c'est que ce papier ?

COURCHEMIN

Est-ce que je sais ? Mais il y avoit la des seigneurs, des grands seigneurs, qui lui ont dit de tendre son tablier; et ils lui ont jeté beaucoup d'or, beaucoup d'argent.

LE GEOLIER

De l'argent !

COURCHEMIN

Savez-vous ce qu'elle a fait ?

LE GEOLIER

Non.

COURCHEMIN

Elle a jeté tout l'or, tout par terre: elle a dit que cela l'empêcheroit de marcher.

MONTAUCIEL

C'étoit donc bien lourd ?

LE GEOLIER

Bon, elle a jeté tout cet or ?

COURCHEMIN

Oui.

LE GEOLIER

Tais-toi donc, avec tes raisons: elle a jeté cet or, tu nous en contes.

COURCHEMIN

Et si c'étoit la grâce de ce déserteur que nous avons arrêté hier ?

MONTAUCIEL

J'en serois charmé, j'en serois charmé: nous nous couperions la gorge ensemble.

LE GEOLIER

A cause de cette querelle ?

MONTAUCIEL

Sans doute.

LE GEOLIER

Tais-toi donc, avec ta querelle: e t'en ferai une autre, moi.

 
(On entend un roulement de tambour.)
 

COURCHEMIN

Qu'est-ce que j'entends ?

LE GEOLIER

C'est l'appel: il y a quelque chose de nouveau.

MONTAUCIEL

Voyons.

 

Courchemin, Montauciel, Le geolier ->

 

Scène septième

Alexis entre du côté opposé à la sortie des précèdents.

<- Alexis

 

On s'empresse, on me regarde;  

j'ai vu s'avancer la garde:

les malheureux n'ont point d'amis,

je crains d'interroger; juste ciel, je frémis !

Mes yeux vont se fermer sans avoir vu Louise,

sans l'avoir vue ! ô ciel ! non, non;

quelque chose que je me dise,

mon cœur ne peut souffrir ce cruel abandon.

Hier, avec quelle joie

j'accourois, je courois à la mort:

de quels tourments suis-je la proie ?

Ai-je donc mérité mon sort ?

Mes yeux vont se fermer sans avoir vu Louise;

sans l'avoir vue ! ô ciel ! non, non;

quelque chose que je me dise,

mon cœur ne peut souffrir ce cruel abandon.

 

Scène huitième

Montauciel, Alexis.

<- Montauciel

 
(Montauciel entre, une bouteille de vin et un gobelet à la main.)
 

MONTAUCIEL

Ah, te voilà, te voilà; je te cherchois, c'est à présent qu'il faut du cœur.  

ALEXIS

Quoi, Montauciel ?

MONTAUCIEL

On vient te chercher. Bois cela, bois cela, te dis-je; c'est le cœur du soldat. J'ai cru que tu avois ta grâce, mais non.

ALEXIS

On vient me chercher ?

MONTAUCIEL

Oui, bois cela.

ALEXIS

Je te remercie. Ah, Louise !

MONTAUCIEL

Tu sais bien cette querelle de tantôt ? Hé bien, je te le pardonne, meurs en paix; c'est moi qui ai tort. Bois donc cela, je t'en prie, je t'en supplie: ne me refuse pas. C'est le dernier coup de vin que tu boiras.

 
(Alexis prend le gobelet, le présente à Montauciel, qui verse: il boit.)
 

ALEXIS

Donne: en te remerciant.

MONTAUCIEL

Pauvre garçon ! Un second, je t'en prie.

ALEXIS

Je te remercie... Montauciel, fais-moi un plaisir.

MONTAUCIEL

Quoi ?

ALEXIS

Puis-je compter sur toi ?

MONTAUCIEL

À la mort et à la vie.

ALEXIS

Promets-moi de rendre cette lettre.

MONTAUCIEL

Où ? j'y vais.

ALEXIS

Tu ne peux pas; tu es en prison.

MONTAUCIEL

C'est vrai; mais je sors aujourd'hui.

ALEXIS

Il viendra un paysan, nommé Jean-Louis. Tu lui rendras cette lettre, ou tu la feras rendre à son adresse.

MONTAUCIEL

Que je meure à l'instant si j'y manque. Ah ! les voilà, les chiens, les enragés, les... Morbleu, je crois que j'irois à sa place.

ALEXIS

Adieu, Montauciel.

MONTAUCIEL

Que je t'embrasse !

ALEXIS

Si cette jeune fille de ce matin vient ici, dis-lui que j'ai pensé à elle jusqu'au dernier moment.

MONTAUCIEL

Brave garçon ! brave garçon ! Mes amis, mes camarades, ne le manquez pas.

 

Scène neuvième

Alexis, Montauciel, Des soldats, la baïonnette au bout du fusil.

<- Des soldats

 

ALEXIS

Vous venez me chercher... Si quelqu'un... Ciel ! c'est elle.  

 

Scène dixième

Louise, Les précédents.

<- Louise

 
Louise entre ses souliers à la main, ses cheveux en désordre. Elle ne dit que: « Alexis, ta... » et tombe évanouie entre les bras d'Alexis, qui l'approche d'un siège, sur lequel elle reste sans connoissance.
 
[N. 21 - Air]

 N 

 

ALEXIS

Adieu, chère Louise, adieu,    

ma vie étoit à toi... je la perds, vis heureuse:

c'est là mon dernier vœu.

Que je te plains... que ta peine est affreuse.

Pourqoi ne meurt-on pas d'amour et de douleurs ?

Çeseroit à tes pieds... Qu'un jour le ciel propice...

Je ne peux retenir mes pleur.

(Aux Soldats.)

Amis, terminez mon supplice,

que je meure en soldat, abandonnons ce lieu:

adieu, chère Louise, adieu.

Adieu, chère Louise, adieu.

S

Sfondo schermo () ()

 

Alexis, Montauciel, Des soldats ->

 

Scène onzième

Louise.

 
[N. 22 - Récitatif et Chœur]

 N 

 

 

(revenant à elle par degrés)  

Où suis-je ? ô ciel ! j'ai les pieds nus;

qui m'a mise en ce lieu ? pourquoi m'ont-ils quittée ?

Et ces soldats, que sont-ils devenus ?

Mon cœur... ah ciel ! que je suis agitée !

Le Roi l'a dit, il va venir.

Ah, je ne peux me soutenir.

Oui, la grâce est accordée:

mais... je n'ai plus nulle idée;

arreêtez , arrêtez donc.

Mais c'etoit ici la prison.

Je me rappelle ses accents;

il me parloit... quel bruit j'entends !

(On entend derrière le théâtre un cri de vive le roi. Louise voit dans son sein le papier sur lequel est écrit qu'Alexis a sa grace.)

Ce papier ? dieu ! il n'est plus temps.

 
(Elle sort du côté opposé à l'entrée da La tante et de Jean-Louis.)

Louise ->

 

Scène douzième

La tante, Jean-Louis

<- La tante, Jean-Louis

 

LA TANTE

Louise, Louise. Il a sa grace.  

JEAN-LOUIS

Il a sa grace, il a sa grace;

ah, ma fille, il a sa grace !

 
(Ils s'embrassent, et sautent de joie.)
 
 

Scène treizième

Le théâtre change, il représente une place publique. On voit des soldats sous les armes. Alexis est au milieu d'un groupe de personnes qu'il desire séparer. Il est soutenu par deux soldats; et faisant, pour marcher, des efforts inutiles, il dit:

 Q 

Alexis, Soldats, Peuple

 
[N. 23 - Ensemble final]

 N 

 

ALEXIS

Hélas, n'arrêtez mes pas;    

courez, courez, elle étoit expirante !

J'ai lassssé Louise mourante.

Hélas, n'arrêtez mes pas.

S

 
Cependant le tambour bat , et les troupes défilent dans le fond du théâtre. Le Peuple crie: vive le roi.
 

Scène quatorzième

Jean-Louis, La tante, Alexis

<- Jean-Louis, La tante

 

JEAN-LOUIS
(lui sautant au col)

Mon ami, que je t'embrasse.  

LA TANTE

Mon neveu, que je t'embrasse.

ALEXIS

Hélas, n'arrêtez mes pas.

Courez, elle étoit expirante.

JEAN-LOUIS, LA TANTE ET LE PEUPLE

La voici, la voici.

 

Scène dernier

Louise, Alexis, Bertrand, Montauciel, Jeannette, La tante, Le peuple, et les troupes qui défilent.

<- Louise, Bertrand, Montauciel, Jeannette, Soldats II

 

ALEXIS

Ah, Louise !  

LOUISE

Alexis !

 
(Il se tiennent embrassés, on les soutent.)
 

LE PEUPLE

Oubliez jusqu'à la trace

d'un malheur peu fait pour vous:

quel bonheur ! il a sa grâce,

c'est nous la donner à tous.

Vive le roi ! vive à jamais, vive !

BERTRAND

Où sont ils ? Rangez-vous,

laissez-nous.

(Il embrasse Alexis)

MONTAUCIEL

Où sont-ils ? Rangez-vous,

laissez-nous.

(Il embrasse Alexis)

JEANNETTE

Pardonnez-moi, je vous prie,

si j'ai fait tous vos malheurs,

je n'oublierai de ma vie

combien j'ai causé de pleurs.

LE PEUPLE

Oubliez jusqu'à la trace

d'un malheur peu fait pour vous:

quel bonheur ! il a sa grâce,

c'est nous la donner à tous.

JEAN-LOUIS

Ma fille étoit trop chérie,

et nous faisions ton malheur.

LA TANTE

Tous les jours de notre vie,

sont bien dus à ton bonheur !

LE CHŒUR

Oubliez jusqu'à la trace

d'un malheur peu fait pour vous:

quel bonheur ! il a sa grâce,

c'est nous la donner à tous.

ALEXIS
(à Louise)

Qu'ai je besoin de la vie,

si ce n'est pour ton bonheur ?

LOUISE
(à Alexis)

Hélas j'étois si chérie,

et je faisois ton malheur.

MONTAUCIEL
(à Alexis)

Et ta maîtresse ! et la vie !

Et tu soutiens ton bonheur !

Ami je te porte envie,

on ne peut avoir plus de cœur.

LE CHŒUR

Oubliez jusqu'à la trace

d'un malheur peu fait pour vous:

quel bonheur ! il a sa grâce,

c'est nous la donner à tous.

ALEXIS

Oublions jusqu'à la trace

d'un malheur peu fait pour nous;

l'amour a fait ma disgrâce,

il n'en sera que plus doux.

Ensemble

LOUISE

Oublions jusqu'à la trace

d'un malheur peu fait pour nous;

l'amour a fait ta disgrâce,

il n'en sera que plus doux.

 

LE CHŒUR

Quel bonheur ! il a sa grâce ,

c'est nous la donner a tous.

Vive le roi ! vive à jamais, vive !

 
Fin.
 

Fin (Acte troisième)

Acte premier Acte deuxième Acte troisième
La tante, Jeannette, Bertrand
 

[N. 17 - Entr'acte]

Oui, c'est ta faute; oui, c'est ta faute

La tante, Jeannette, Bertrand
<- Alexis

Ah ! mon cher Alexis

Alexis
La tante, Jeannette, Bertrand ->
Alexis
<- Le geolier

Tenez, voilà une plume et de l'encre

Alexis
Le geolier ->
Alexis
<- Montauciel

Soit, me voilà prêt.

[N. 18 - Ariette]

Camarade, ne pouvez-vous étudier plus bas

[N. 19 - Ariette]

Camarade, vous qui savez lire

Montauciel
Alexis ->
Montauciel
<- Le geolier

Qu'est-ce que c'est que ça

Montauciel, Le geolier
<- Courchemin

Hé! bonjour, Courchemin.

[N. 20 - Ariette]

Courchemin, Montauciel, Le geolier
Le roi passoit, et le tambour

Et le tambour battoit aux champs !

Courchemin, Montauciel, Le geolier ->
<- Alexis
Alexis
<- Montauciel

Ah, te voilà, te voilà; je te cherchois

Alexis, Montauciel
<- Des soldats

Vous venez me chercher

Alexis, Montauciel, Des soldats
<- Louise

[N. 21 - Air]

Louise
Alexis, Montauciel, Des soldats ->

[N. 22 - Récitatif et Chœur]

Où suis-je ? ô ciel ! j'ai les pieds nus

Louise ->
<- La tante, Jean-Louis

Louise, Louise. Il a sa grace

Une place publique.

Alexis, Soldats, Peuple
 

[N. 23 - Ensemble final]

Alexis, Soldats, Peuple
<- Jean-Louis, La tante
Jean-Louis, Alexis, La tante, et le Peuple
Mon ami, que je t'embrasse
Alexis, Soldats, Peuple, Jean-Louis, La tante
<- Louise, Bertrand, Montauciel, Jeannette, Soldats II
 
Scène première Scène seconde Scène troisième Scène quatrième Scène cinquième Scène sixième Scène septième Scène huitième Scène neuvième Scène dixième Scène onzième Scène douzième Scène treizième Scène quatorzième Scène dernier
Un lieu champêtre, dont l'horizon est terminé par une montagne, un hameau dans le lointain, un orme sur le... Une prison, quelques tables de pierre, et des escabeaux. Une place publique.
[N. 1 - Ariette] [N. 2 - Ariette] [N. 3 – Ariette] [N. 4 - Marche de la noce] [N. 5 - Duo] [N. 6 – Récitatif] [N. 7 - Air et Finale] [N. 8 - Entr'acte] [N. 9 - Ariette] [N. 10 - Ariette] [N. 11 - Duo] [N. 12 - Ariette] [N. 13 - Trio] [N. 14 - Couplets] [N. 15 - Couplets] [N. 16 - Duo] [N. 17 - Entr'acte] [N. 18 - Ariette] [N. 19 - Ariette] [N. 20 - Ariette] [N. 21 - Air] [N. 22 - Récitatif et Chœur] [N. 23 - Ensemble final]
Acte premier Acte deuxième

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