Acte deuxième

 
Le thèâtre représente une prison, quelques tables de pierre, et des escabeaux.

 Q 

 

Scène première

Le geolier, Alexis.

Le geolier, Alexis

 
(Dans le cours de cette scène Le geolier est occupé à differentes choses.)
[N. 8 - Entr'acte]

 N 

 

LE GEOLIER

Tenez, voici de l'eau dans cette cruche, une table de pierre, un escbeau, et votre lit: mais de la manière dont vous y allez, vous n'avez pas dessein qu'on renouvelle le coucher. « Oui, messieurs, je désertois, oui, je désertois. » On avoit beau vous dire que vous ne désertiez pas. « Je désertois, vous dis-je. » Hé, quel diable d'homme êtes-vous ? Oh ça, je vous ai déjà dit qu'il y avoit là de l'eau: si vous voulez du vin, pour de l'argent, s'entend, et vous ne devez pas le ménager, si vous en avez; car votre affaire ne sera pas longue. Peut-être...  

ALEXIS

Non, non.

LE GEOLIER

Hé bien, si vous n'en avez pas, vous boirez de l'eau, vous boirez de l'eau.

ALEXIS

Oui, je voudrois la voir. Oh ciel, oh ciel !

LE GEOLIER

Vous le connoissez, je vais vous l'envoyer. Ah, vous connoissez Montauciel: il est encore ici. Buvez un coup ensemble, dissipez-vous, ce ne sera pas long.

 

Le geolier ->

 

Scène seconde

Alexis.

 
[N. 9 - Ariette]

 N 

 

Mourir n'est rien, c'est notre dernière heure:  

hé, ne faut-il pas que je meure ?

Chaque minute, chaque pas

ne mène-t-il pas

au trépas?

Mais souffrir une perfidie

aussi sanglante, aussi hardie;

y survivre, ah, plutôt mourir !

Ce n'est que cesser de souffrir.

Mourir n'est rien, c'est notre dernière heure:

hé, ne faut-il pas que je meure ?

Chaque minute, chaque pas

ne mènet-il pas

au trépas ?

Mes jours, je les comptois, je les voyois à toi;

les tiens étoient les miens, ils ne sont plus à moi.

(Il tire une lettre et lit.)

« Viens, cher amant, je ne vivrai

que du jour où je te verrai.

Mon père attend bien du plaisir

de l'instant qui va nous unir;

et moi qui t'aime... » et me trahir !

Et je vivrois; plutôt mourir,

ce n'est que cesser de souffrir.

Mourir n'est rien, c'est notre dernière heure;

hé, ne faut-il pas que je meure ?

Chaque minute, chaque pas

ne mène-t-il pas

au trépas ?

 

Scène troisième

Montauciel, Alexis. (Montauciel est un peu pris de vin.)

<- Montauciel

 

MONTAUCIEL

Camarade, vous me demandez ?  

ALEXIS

Moi, non.

MONTAUCIEL

Ah, que si... La maison, hé, la maison: nous allons boire un coup ensemble, nous allons renouer connoissance, si nous nous connoissons; ou nous allons la faire, si nous ne nous connoissons pas: cela revient au même.

ALEXIS

Savez-vous si on peut avoir ici une feuille de papier pour écrire ?

MONTAUCIEL

Ah, que oui, je vous aurai ça. Hé, la maison, la maison. Mais, sarpebleu, vous avez eu un tort, vous avec eu deux torts, vous avez eu trois torts; le premier, c'est de déserter; le second, c'est d'en convenir. Montauciel n'est qu'une bête: mais, à votre place, ç'auroit été mon sergent, mon général, mon caporal, je leur aurois dit: Non, je ne déserte pas: non, sarpebleu, Montauciel ne déserte pas. Hé, la maison.

 
(Il va, pendant la ritournelle, comme s'il appeloit, et il revient.).
 
[N. 10 - Ariette]

 N 

 

Je ne déserterai jamais,  

jamais que pour aller boire,

que pour aller boire à longs traits.

De l'eau du fleuve où l'on perd la mémoire.

Il est permis d'être par fois

infidèle à son inhumaine;

mais c'est blesser toutes les loix

que de l'être à son capitaine.

Je ne déserterai jamais,

jamais que pour aller boire,

que pour aller boire à longs traits.

 

Scène quatrième

Montauciel, Le geolier, Alexis.

<- Le geolier

 
(Le geolier apporte une pinte et des gobelets d'étain.)
 

LE GEOLIER

Il y a là une jeune fille qui demande un soldat. C'est sans doute toi, Montauciel ?  

MONTAUCIEL

Oui, c'est pour moi: fais-la venir, elle ne fera pas de trop. Pour en revenir...

(il leve la pinte, et la repose en regardant Louise)

Diable ! elle est gentille.

 

Le geolier ->

 

Scène cinquième

Alexis, Louise, Montauciel.

<- Louise

 

ALEXIS

Ciel, que vois-je ? Quoi ! vous voilà.  

LOUISE

Oui, moi.

ALEXIS

Vous ?

LOUISE

Vous !

ALEXIS

Oui, vous.

MONTAUCIEL

Camarade, je vous laisse. C'est votre sœur, c'est votre cousine, c'est tout ce que vous voudrez. Mademoiselle, je ne vous offense pas: je m'appelle Montauciel; je sais la politesse qu'il faut... Quand on sait ce que c'est que de vivre dans les prisons... Camarade, elle est jolie: je vais, que je m'en vais, sur le préau. Vous pouvez causer: si quelqu'un... Ah, adieu, adieu.

 
(Montauciel menage sa sortie, de maniere qu'il ne sort qu'à la fin de la riturnelle du morceau qui suit.)

Montauciel ->

 

Scène sixième

Alexis, Louise.

 
[N. 11 - Duo]

 N 

 

ALEXIS

Ô ciel, puis-je ici te voir ?    

Ta présence est un outrage;

viens-tu redoubler ma rage,

augmenter mon désespoir.

Ta présence est un outrage;

viens-tu redoubler ma rage.

Est-il rien de plus cruel ?

Venir ici, l'infidèle !

Et de ma douleur mortelle

paroître jouir. Ô ciel !

Comment puis-je ici te voir ?

Ta présence est un outrage;

viens-tu redoubler ma rage,

augmenter mon désespoir ?

Ta présence est un outrage;

viens-tu redoubler ma rage.

Ensemble

LOUISE

Alexis, Alexis, pourquoi ce désespoir ?

Ah ! je ne croyois pas en accourant te voir,

m'exposer au chagrin de te faire un outrage.

Alexis, Alexis, écoute un mot, je gage

que je vais d'un sol mot calmer ton désespoir.

(à part)

Peut-être qu'il finira;

enfin, il s'apaisera.

Un mot, un mot, écoute-moi je gage

que je vais d'un seul mot calmer ton désespoir.

Ah ! je ne croyois pas en accourant te voir

m'exposer au chagrin de te faire un outrage.

S

 
(Montauciel rentre à al ritournelle de ce Duo, et prende la pinte.)
 

Scène septième

Montauciel, Alexis, Louise.

<- Montauciel

 

MONTAUCIEL

Que je ne vous dérange pas. Vous ne voulez pas boire? Non, non: adieu.  

 

Montauciel ->

 

Scène huitième

Alexis, Louise.

 

ALEXIS

Ah ? ce n'est pas à toi que j'en veux, c'est à ton père.  

LOUISE

Il est vrai que mon père...

ALEXIS

Ce vieillard infâme ! Son avarice n'a pu, sans doute, tenir contre un peu d'argent. C'est contre de l'argent qu'il troque le bonheur de deux personnes qui ne se seroient occupées que du sien. Il plonge en des remords, en des tourments affreux... car tu m'aimes encore, et tu m'aimeras toujours. Il fait le malheur de trois personnes, à qui il n'est plus permis d'être heureuses. Pour moi, tout est dit. Mais toi, et ton mari... Ce lâche ! il te permet de venir me voir le surlendemain de ta noce : il te permet de venir voir un soldat qui t'aime, qu'il sait bien que tu as aimé; et dans une prison, que sans toi... Va, je ne t'en veux pas. Ah ! Louise, je t'aime encore: puisses-tu ne te jamais souvenir de moi !

LOUISE

Alexis.

ALEXIS

Mais, avec quel front, avec quelle tranquillité...

LOUISE

Je ne serois pas si tranquille si j'étois coupable.

ALEXIS

Perfide !

LOUISE

Je jouis de ton erreur.

ALEXIS

De mon err...

LOUISE

Je peux t'apaiser d'un mot.

ALEXIS

D'un mot ! Dis-le, si tu l'oses.

LOUISE

Je ne suis pas mariée.

ALEXIS

Tu...

LOUISE

C'est mon père qui a voulu...

ALEXIS

Infâme ! que m'importe toi ou lui ?

LOUISE

Madame la duchesse...

ALEXIS

As-tu oſé paroître devant elle ?

LOUISE

C'est elle qui a ordonné tout ceci.

ALEXIS

Quoi !

LOUISE

Elle a ordonné à mon père de te faire croire que j'étois la mariée.

ALEXIS

Que veux-tu dire ?

LOUISE

Oui, elle a ordonné cette noce, ces instruments, cette fête, ces apprêts. On avoit aposté cette petit fille qui t'a parlé, pour te tromper; et tout cela n'étoit qu'un jeu.

 
(Alexis tombe accablé sur un escabeau, les mains étendues sur la table.)
 

ALEXIS

Qu'un jeu !

 
[N. 12 - Ariette]

 N 

 

LOUISE

Dans quel trouble te plonge    

ce que je te dis là ?

Puisque c'est un mensonge,

que t'importe cela ?

Cette ruse cruelle

ne doit plus t'offenser;

toi, me croire infidelle !

Pouvois-tu le penser ?

Vivre et t'aimer sont pour moi même chose;

et quels que soient les devoirs que m'impose

le serment dont j'attends notre félicité,

il n'ajoutera rien à ma fidélité.

Je t'aimerai toute ma vie.

J'en jure par ta main que je presse; je prie

le ciel de nous unir par un même trépas:

ou puissé-je du moins expirer dans tes bras !

Mais ta peine redouble,

et semble s'augmenter.

Que veux dire ce trouble ?

Qui peut te tourmenter ?

Cette ruse cruelle

ne doit plus t'offenser,

toi me croire infidelle !

Louise, Louise infidelle

méchant, méchant, pouvois-tu le penser ?

S

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ALEXIS

Ô ciel !  

LOUISE

Est-ce que tu ne me crois pas ?

ALEXIS

Ah ! je te crois.

 

Scène neuvième

Louise, Jean-Louis, Alexis.

<- Jean-Louis

 

LOUISE

Mon père, ah! que vous voilà bien arrivé. Demandez-lui donc ce qu'il a... Dites-moi la cause de son chagrin !  

JEAN-LOUIS

Bonjour, mon cher Alexis; que je t'embrasse, que je suis charmé de te revoir. Comme te voilà robuste: les troupes font bien un homme. Tu as servi le roi, tu as servi ta patrie: tu n'es plus un paysan. Mon ami, Louise est à toi.

ALEXIS

Jean-Louis...

JEAN-LOUIS

La noce quand tu voudras, quand tu voudras.

ALEXIS

Je t'en prie, Jean-Louis, dis à ta fille d'aller un instant dans le jardin du geôlier.

JEAN-LOUIS

Pourquoi ?

ALEXIS

Dis-le lui seulement.

JEAN-LOUIS

Louise, j'ai quelque chose à dire; sors, et je t'irai reprendre.

ALEXIS

(lui prenant la main)

Louise, nous déjeunerons ensemble aujourd'hui, aujourd'hui. Qu'il y a bien long-temps que je ne t'ai vue !

LOUISE

Et vous me renvoyez !

ALEXIS

Tu vas rentrer.

 

Louise ->

 

Scène dixième

Jean-Louis, Alexis.

 

JEAN-LOUIS

J'ai été bien surpris de te savoir en prison: mais on m'a dit que c'est peu de chose. Est-ce que tu t'appelles Montauciel ? C'est ton nom de guerre, apparemment. On m'a dit: voyez, voyez Montauciel, il est là. Mais que je t'embrasse, mon garçon, mon gendre, mon cher ami: madame la duchesse te fera sortir d'ici. Mais tu es triste: je parie que je devine pourquoi tu es ici.  

ALEXIS

Je ne le crois pas.

JEAN-LOUIS

Si, si. Quand on revient de l'armée, quelque aventure, quelque boisson, quelque fille dans une auberge... Mais on t'a vu le long du village, et puis on ne t'a plus vu. On vouloit te jouer un tour; mais ton aventure en a empêché. Conte-moi ça, conte-moi ça, tu le peux: j'ai servi, je sais ce que c'est qu'un soldat. Ne vas-tu pas être mon gendre ? et je n'en dirai rien à Louise. Et puis une misère, quelques coups, quelques tapes.

ALEXIS

Jean-Louis, promets-moi que tu feras tout ce que je te dirai.

JEAN-LOUIS

Oui, à moins que cela ne soit trop difficile.

ALEXIS

Non... Nous allons déjeuner, toi, ta fille et moi.

JEAN-LOUIS

Cela est aisé: ensuite.

ALEXIS

Je te prie, je te supplie d'emmener ta fille aussi-tôt après; vous partirez ensemble: nous nous quitterons... nous nous quitterons Je lui dirai que je suis forcé de rejoindre.

JEAN-LOUIS

Je le sais: le roi arrive au camp.

ALEXIS

Vous vous en retournerez... vous vous en retournerez au village... et toi, dans deux jours, tu reviendras ici: tu demanderas un soldat nommé Montauciel; il te remettra une lettre pour toi... et pour moi, je n'y serai plus.

JEAN-LOUIS

Non; tu seras au camp; mais dans quinze jours tu auras ton congé.

ALEXIS

Auras-tu assez de force sur ton esprit pour ne rien faire paraître devant ta fille de ce que je vais te dire?

JEAN-LOUIS

Sans doute.

ALEXIS

Je crains qu'elle ne rentre.

JEAN-LOUIS

Non, non.

ALEXIS

Hier, cette noce...

JEAN-LOUIS

C'est moi qui ai conduit cela.

ALEXIS

Le désespoir m'a pris...

JEAN-LOUIS

Bon, bon, tant mieux; j'en étois sûr.

ALEXIS

Et dans ma fureur...

JEAN-LOUIS

Tu as été furieux ? ah, que c'est bon.

 

Scène onzième

Louise, Jean-Louis, Alexis.

<- Louise

 

LOUISE

Ah, mon père ! ah, malheur ! Cette noce l'a mis au désespoir; il a déserté; il est condamné: il va mourir.  

JEAN-LOUIS

Qoi ?

ALEXIS

Elle le sait. Que je suis malheureux !

JEAN-LOUIS

Déserté ! déserté ! condamné ! Alexis, Alexis, seroit-il vrai ce qu'elle dit là ?

ALEXIS

Cela n'est que trop vrai. Oui, Jean-Louis.

JEAN-LOUIS

Ah ciel !

 
[N. 13 - Trio]

 N 

 

ALEXIS

Console-toi, ma tendre amie,    

mon sort te prouve mon amour;

tu diras: s'il m'eût moins chérie,

il n'auroit pas perdu le jour.

S

LOUISE

Mon père, ah ! quel sera mon sort ?

Ah, que je suis infortunée !

Que le moment où je suis née

ne fût-il celui de ma mort.

Ensemble

JEAN-LOUIS

Quoi, mon ami, voilà ton sort !

Maudite, ah, maudite journée !

Ce sera là ta destinée ?

C'est moi qui mérite la mort.

LOUISE

Quoi, c'est moi, qui te tue !

J'etois au comble du bonheur;

mon père, vous m'avez perdue...

Vous obéir fut mon malheur.

Non, non, je ne saurois plus vivre:

qoi ! je ne peurrois plus te voir ?

Il ne reste à mon désespoir,

que la ressource de te suivre.

Ensemble

ALEXIS

Ne viens point porter des alarmes

dans mon cœur prêt à s'attendrir;

ne pleure pas, sèche tes larmes,

garde-les pour mon souvenir.

Et toi pour un autre moi-même,

conserve-toi pour cet objet chéri;

dans ta fille aime ton ami,

je meurs content, ta fille m'aime.

LOUISE

Je suis au désespoir.

JEAN-LOUIS

Je suis au désespoir.

Ensemble

ALEXIS

Calme ton désespoir.

 

Scène douzième

Le geolier, les acteurs précédents

<- Le geolier

 

LE GEOLIER

On vous demande.  

ALEXIS

Qui ?

LE GEOLIER

Vous, allez.

ALEXIS

Adieu, adieu.

LOUISE

Comment ? adieu.

ALEXIS

Non, Louise, ne t'effraie pas. Je crois que je vais revenir.

LOUISE

Ah ! mon père.

 

Alexis ->

 

Scène treizième

Louise, Jean-Louis, Le geolier.

 

LOUISE

Ô ciel ! Monsieur, où va-t-il ?  

LE GEOLIER

Parler à ces messieurs.

LOUISE

Monsieur, monsieur, ce ne seroit pas...

LE GEOLIER

Ah, ce ne sera pas pour si-tôt; peut-être entre cinq et six heures: peut-être à sept heures.

LOUISE

Ah, ciel !

JEAN-LOUIS

Non, ma fille, il n'est pas possible: je vais trouver madame la duchesse; je vais tout lui dire.

LOUISE

Ah, mon père, elle l'a mis dans la peine; elle ne sera pas là pour l'en tirer.

JEAN-LOUIS

Je vais... ô ciel ! Ah, que je suis malheureux ! Viens me rejoindre; j'irai plus vite que toi. Et puis... Non, je cours.

 

Jean-Louis ->

 

Scène quatorzième

Louise, Le geolier.

 

LOUISE

Monsieur, je me jette à vos genoux: je vous prie...  

LE GEOLIER

Ce n'est pas nécessaire. Que voulez- vous ?

LOUISE

Le roi passe au camp.

LE GEOLIER

Hé bien ?

LOUISE

Monsieur, dites-moi, le roi en pareil cas... Ah, c'est une justice. Le roi peut-il faire justice ou grâce ?

LE GEOLIER

Je le crois bien: il ne fait que ça.

LOUISE

Monsieur, si j'y allois, si je me jetois à ses pieds; si je lui disois que c'est moi qui suis la cause...

LE GEOLIER

Hé bien, vous le pouvez, si on vous laisse approcher. Si cela ne sert à rien, cela ne peut pas nuire.

LOUISE

Ah ! monsieur, si j'avois de l'argent...

LE GEOLIER

Si vous vous adressez au roi, vous n'en avez que faire.

LOUISE

Ce n'est pas cela que je voulois dire... c'est pour vous, monsieur.

LE GEOLIER

Ah ! pour moi.

LOUISE

C'est pour vous remercier... c'est pour vous prier... Voici, monsieur, ma croix d'or que je vous donne: faites retarder jusqu'à demain.

LE GEOLIER

Retarder ? retarder ?... Cela me paroît creux. Est-ce de l'or ?

LOUISE

Ah, que je suis malheureuse !

 

Louise ->

 

Scène quinzième

Le geolier.

 

 

(examinant la croix d'or)  

Je ne peux faire tout-à-fait ce que vous demandez lkà: mais je lui donnerai, je lui donnerai tout le vin dont il aura besoin.

(S'apercevant que Louise est sortie.)

Cette jeune fille a un bon cœur, ça fait plaisir.

 

Scène seizième

Montauciel, Le geolier, Bertrand

<- Montauciel, Bertrand

 
Montauciel tient d'une main une pinte de vin, une feuille de papier sous son bras; de l'autre main il tient Bertrand par le poignet.
 

MONTAUCIEL

Hé, entrez donc. Est-ce que vous avez peur ?  

(Au geôlier.)

Tenez, voilà un jeune homme qui demande ce soldat. Où est-il donc ? Et cette jeune fille ?

LE GEOLIER

Elle est partie.

MONTAUCIEL

Et lui ?

LE GEOLIER

Il est allé parler, il va revenir. Si je le vois, je vais vous l'envoyer.

BERTRAND

Je vais aller avec monsieur.

 

Le geolier ->

 

Scène dix-septième

Montauciel, Bertrand

 

MONTAUCIEL

Non, non, restez: vous allez boire un coup en attendant. Voilà une feuille de papier que je lui apportois.  

BERTRAND

Mais êtes-vous bien sûr que c'est mon cousin Alexis ?

MONTAUCIEL

Oui, oui, c'est lui: un soldat.

BERTRAND

Oui.

MONTAUCIEL

Mettez-vous là. Il est votre cousin ?

BERTRAND

Oui, monsieur.

MONTAUCIEL

Mettez-vous là.

BERTRAND

Mais, monsieur...

MONTAUCIEL

Mettez-vous là, vous dis-je. Sarpejeu, mettez-vous donc là; buvons un coup, il va revenir.

BERTRAND

Monsieur, je vous remercie; on ne boit pas comme ça sans connoître.

MONTAUCIEL

Est-ce que je vous connois, moi ? Et ça ne m'empêche pas de boire avec vous. Il est bon: buvez, buvez donc.

(Bertrand boit.)

Et vous dites que...

BERTRAND

Moi, je ne dis rien.

MONTAUCIEL

Si vous ne dites rien, chantez, chantez.

BERTRAND

Ah ! monsieur, nous sommes dans le chagrin.

MONTAUCIEL

C'est à cause de cela: c'est dans le chagrin qu'il faut chanter, cela dissipe. Allons, chantez.

 

MONTAUCIEL

Toujours chanter et toujours boire,  

c'est la devise de Grégoire.

 

MONTAUCIEL

Chantez donc.

BERTRAND

Mais je ne sais pas chanter.

MONTAUCIEL

Chantez toujours, voulez-vous donc chanter, quand on vous en prie. Sarpebleu vous chanterez.

BERTRAND

Mais, attendez donc.

(Il chante.)

 
[N. 14 - Couplets]

 N 

 

Tous les hommes sont bons;  

on ne voit que gens francs,

à leurs intérêts près.

Nous aimons la bonté,

l'exacte probité

dans les autres.

Faire le bien est si doux,

pour ne rendre heureux que nous

et les nôtres.

 

MONTAUCIEL

Sarpedié, votre chanson est bonne à porter le diable en terre. Ecoutez-moi.  

 
[N. 15 - Couplets]

 N 

 

Vive le vin, vive l'amour;  

amant et buveur tour à tour,

je nargue la mélancolie:

jamais les peines de la vie

ne me coutèrent de soupirs;

avec l'amour, je les change en plaisirs,

avec le vin je les oublie.

 

 

Voilà une chanson, ça. Chantons ensemble.  

BERTRAND

Hé mais, et mon cousin...

MONTAUCIEL

Il ne peut pas tarder. Allons, chantons ensemble à présent.

BERTRAND

Ensemble ?

MONTAUCIEL

Oui, ensemble, c'est plus gai.

BERTRAND

Mais je ne sais pas votre chanson.

MONTAUCIEL

Qu'est-ce qui vous dit de chanter ma chanson ? Dites la vôtre, et moi la mienne, c'est plus gai.

BERTRAND

Hé mais...

MONTAUCIEL

Allons, morbleu, chantez. (Il verse un verre de vin et boit.) Buvez et chantez.

 
[N. 16 - Duo]

 N 

 

BERTRAND

Tous les hommes sont bons:  

on ne voit que gens francs,

à leurs intérêts près.

Nous aimons la bonté,

l'exacte probité

dans les autres.

Faire le bien est si doux,

pour ne remire heureux que nous

et les nôtres.

Ensemble

MONTAUCIEL

Vive le vin, vive l'amour;

amant et buveur tour à tour,

je nargue la mélancolie:

jamais les peines de la vie

ne m'ont couté quelques soupirs:

avec l'amour je les change en plaisirs.

Avec le vin je les oublie.

 
(À la fin du Duo, Bertrand s'en fuit, et Montauciel court après.)

Bertrand, Montauciel ->

 
Fin du second acte.
 

Fin (Acte deuxième)

Acte premier Acte deuxième Acte troisième

Une prison, quelques tables de pierre, et des escabeaux.

Le geolier, Alexis
 

[N. 8 - Entr'acte]

Tenez, voici de l'eau dans cette cruche

Alexis
Le geolier ->

[N. 9 - Ariette]

Alexis
<- Montauciel

Camarade, vous me demandez ?

[N. 10 - Ariette]

Alexis, Montauciel
<- Le geolier

Il y a là une jeune fille qui demande

Alexis, Montauciel
Le geolier ->
Alexis, Montauciel
<- Louise

Ciel, que vois-je ? Quoi ! vous voilà.

Alexis, Louise
Montauciel ->

[N. 11 - Duo]

Alexis, Louise
<- Montauciel

Que je ne vous dérange pas

Alexis, Louise
Montauciel ->

Ah ? ce n'est pas à toi que j'en veux

[N. 12 - Ariette]

Ô ciel ! / Est-ce que tu ne me crois pas ?

Alexis, Louise
<- Jean-Louis

Mon père, ah! que vous voilà bien arrivé

Alexis, Jean-Louis
Louise ->

J'ai été bien surpris de te savoir en prison

Alexis, Jean-Louis
<- Louise

Ah, mon père ! ah, malheur !

[N. 13 - Trio]

Alexis, Louise, Jean-Louis
Console-toi, ma tendre amie
Alexis, Jean-Louis, Louise
<- Le geolier

On vous demande / Qui ?

Jean-Louis, Louise, Le geolier
Alexis ->

Ô ciel ! Monsieur, où va-t-il ?

Louise, Le geolier
Jean-Louis ->

Monsieur, je me jette à vos genoux

Le geolier
Louise ->

Je ne peux faire tout-à-fai

Le geolier
<- Montauciel, Bertrand

Hé, entrez donc. Est-ce que vous avez peur ?

Montauciel, Bertrand
Le geolier ->

Non, non, restez

[N. 14 - Couplets]

Sarpedié, votre chanson est bonne

[N. 15 - Couplets]

Voilà une chanson, ça.

[N. 16 - Duo]

Bertrand, Montauciel
Tous les hommes sont bons
Bertrand, Montauciel ->
 
Scène première Scène seconde Scène troisième Scène quatrième Scène cinquième Scène sixième Scène septième Scène huitième Scène neuvième Scène dixième Scène onzième Scène douzième Scène treizième Scène quatorzième Scène quinzième Scène seizième Scène dix-septième
Un lieu champêtre, dont l'horizon est terminé par une montagne, un hameau dans le lointain, un orme sur le... Une prison, quelques tables de pierre, et des escabeaux. Une place publique.
[N. 1 - Ariette] [N. 2 - Ariette] [N. 3 – Ariette] [N. 4 - Marche de la noce] [N. 5 - Duo] [N. 6 – Récitatif] [N. 7 - Air et Finale] [N. 8 - Entr'acte] [N. 9 - Ariette] [N. 10 - Ariette] [N. 11 - Duo] [N. 12 - Ariette] [N. 13 - Trio] [N. 14 - Couplets] [N. 15 - Couplets] [N. 16 - Duo] [N. 17 - Entr'acte] [N. 18 - Ariette] [N. 19 - Ariette] [N. 20 - Ariette] [N. 21 - Air] [N. 22 - Récitatif et Chœur] [N. 23 - Ensemble final]
Acte premier Acte troisième

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