Acte premier

 

Pendant l'ouverture

Le théâtre représente les environs d'un château fort; on en voit les tours, les crénaux. Il est élevé dans un lieu agreste; des montagnes stériles, et des forêts sombres et touffues paraissent entourer le lieu. Sur un des côtés est une maison, qui a l'apparence d'une gentilhommière; on en voit la porte; un banc est de l'autre côté.

 Q 

(aucun)

<- Paysans

 
(Pendant l'ouverture, passent plusieurs paysans, avec leurs outils de travail sur leurs épaules; ils sont en veste, et portent leurs habits.)
 

PAYSANS

Chantons, chantons,  

célébrons cette journée,

à demain la matinée;

chantons, chantons,

retournons dans nos maisons.

 
(L'ouverture continue.)
 

LES MÊMES

Sais-tu que c'est demain

que le vieux Mathurin

refait son mariage:

oui, le fait est certain,

nous danserons demain,

nous boirons du bon vin.

 
(L'ouverture continue.)
 

<- Colette, Autres paysans

COLETTE

Antonio, je gage  

en ce moment

est bien loin du village:

ah ! quel cruel tourment !

 

AUTRE TROUPE DE PAYSANS

Colette, c'est demain

que le vieux Mathurin

refait son mariage.

Fille, point de chagrin;

nous danserons demain,

nous boirons du bon vin.

 
(L'ouverture continue.)
 
Le vieux Mathurin et sa vieille femme.

<- Mathurin, Femme de Mathurin

 

LE VIEUX MATHURIN

Comment, c'est demain  

que ton vieux Mathurin

avec toi, ma femme, se remet en train !

LA FEMME

Après cinquante ans,

il est encor temps

de nous montrer gais, et d'être contens.

 

Paysans, Colette, Autres paysans, Mathurin, Femme de Mathurin ->

 

Scène première

Blondel, Antonio.

<- Blondel, Antonio

 

BLONDEL

Antonio, qu'est-ce que j'entends ? j'entends, je crois, chanter ?  

ANTONIO

Ce n'est rien; c'est tout le hameau qui s'en retourne chez lui après le travail des champs: le soleil est couché.

BLONDEL

Où suis-je ici, mon petit ami ?

ANTONIO

Vous n'êtes pas loin d'un château où il y a des tours, des crénaux: je vois tout en haut un soldat qui fait faction avec son arbalète.

BLONDEL

Je suis bien las.

ANTONIO

Tenez, asseyez-vous sur cette pierre; c'est un banc.

BLONDEL

Ah ! je te remercie.

ANTONIO

C'est un banc qui est vis-à-vis la porte d'une maison qui paraît être une ferme; c'est comme une maison de gentilhomme.

BLONDEL

Eh bien, mon ami, va t'informer si l'on peut m'y donner à coucher pour cette nuit.

ANTONIO

Je vous retrouverai là ?

BLONDEL

Ah ! je n'ai pas envie d'en sortir; quand on ne voit pas, on est bien forcé de rester où on nous dit d'attendre: ne manque pas de revenir.

ANTONIO

Oh ! non, car vous m'avez bien payé. Mais, père Blondel, j'ai quelque chose à vous dire.

BLONDEL

Quoi ?

ANTONIO

Ah ! c'est que...

BLONDEL

Dis, mon fils, qu'est-ce que c'est ?

ANTONIO

C'est que je suis bien fâché; je ne pourrai pas vous conduire demain.

BLONDEL

Eh, pourquoi donc ?

ANTONIO

C'est que je suis de noce; mon grand'père et ma grand' mère se remarient, et mon petit-fils, qui est leur frère...

BLONDEL

Ton petit-fils ! tu as un petit-fils ?

ANTONIO

Oui, leur petit-fils, qui est mon frère, se marie aussi le même jour de leur mariage, à une fille de ce canton.

BLONDEL

Eh, dis-moi, elle ne demeurerait pas dans ce château que tu dis, où il y a un soldat qui a un arbalète ?

ANTONIO

Non, non.

BLONDEL

Mais, mon ami, demain, comment ferai- je pour me conduire ?

ANTONIO

Ah ! je vous donnerai un de mes camarades; il est un peu volage, mais je vous ferai venir à la noce, et vous y jouerez du violon. Ah ! ne vous embarrassez pas.

BLONDEL

Tu aimes donc bien à danser ?

 

ANTONIO

La danse n'est pas ce que j'aime,  

mais c'est la fille à Nicolas;

lorsque je la tiens par le bras,

alors mon plaisir est extrême.

Je la presse contre moi-même,

et puis nous nous parlons tout bas,

que je vous plains, vous ne la verrez pas.

 

BLONDEL

C'est vrai, mon fils, je suis bien à plaindre.  

 

ANTONIO

Elle a quinze ans, moi, j'en ai seize:

ah ! si la mère Nicolas

n'était pas toujours sur nos pas !...

eh bien, quoique cela déplaise,

auprès d'elle je suis bien aise.

Et puis nous nous parlons tout bas.

Que je vous plains, vous ne la verrez pas.

 

BLONDEL

Continue, je crois la voir.  

ANTONIO

Vous la voyez ! ah ! vous êtes aveugle.

BLONDEL

Va, mon fils, va toujours voir si je pourrai trouver où passer cette nuit.

 

Antonio ->

 

Scène deuxième

Blondel.

 

 

Oui, voilà des tours, des fossés, des redoutes; c'est bien là un château fort; il est bien éloigné des frontières, dans un pays sauvage, au milieu des marais; il n'est propre qu'à renfermer des prisonniers d'état. On dit qu'on ne peut en approcher; nous verrons: on se méfiera moins d'un homme que l'on croira aveugle. Orphée, animé par l'amour, s'est ouvert les enfers: les guichets de ces tours s'ouvriront peut-être aux accens de l'amitié.  

 

Ô Richard ! ô mon roi !    

L'univers t'abandonne;

sur la terre il n'est que moi

qui s'intéresse à ta personne.

Moi seul, dans l'univers,

voudrait briser tes fers;

et tout le reste t'abandonne !

Et sa noble amie !... ah ! son cœur

doit être navré de douleur.

Ô Richard ! ô mon roi !

L'univers t'abandonne,

etc.

Monarques, cherchez des amis,

non sous les lauriers de la gloire,

mais sous les myrtes favoris

qu'offrent les filles de mémoire.

Un troubadour

est tout amour,

fidélité, constance,

et sans espoir de récompense.

Ô Richard ! ô mon roi !

L'univers t'abandonne;

et c'est Blondel, il n'est que moi

qui s'intéresse à ta personne.

S

 

 

Mais j'entends du bruit; remettons-nous, et reprenons notre rôle.  

 

Scène troisième

Blondel, Williams, Laurette, Guillot.

<- Williams, Guillot

 

WILLIAMS

Je t'apprendrai à porter des lettres à ma fille !  

GUILLOT

C'est de la part du gouverneur.

 

WILLIAMS

C'est de la part du gouverneur ?  

BLONDEL
(à part)

Ah ! si c'était ce gouverneur.

GUILLOT

Il m'a dit de lui remettre

cette lettre.

WILLIAMS

Ma fille écoute un séducteur !

Non, ma Laurette

n'est point faite

pour amuser le gouverneur.

Et toi, et toi,

si tu reviens, c'est fait de toi.

GUILLOT

Ce n'est pas moi

qui reviendrai; non, sur ma foi.

WILLIAMS

Dis, dis à ce gouverneur

que ma Laurette

n'est point faite

pour écouter un séducteur:

monsieur, monsieur le gouverneur

me fait en ce jour trop d'honneur.

BLONDEL
(à part)

Ah ! si c'était le gouverneur

de ce château: dieux ! quel bonheur !

GUILLOT

Mais, c'est monsieur le gouverneur.

WILLIAMS

Eh, que me fait ce gouverneur !

Oui, sur ma foi,

prends garde à toi.

 

<- Laurette

WILLIAMS
(à Laurette qui paraît)

Et toi, si jamais tu revois

ce séducteur,

tu sentiras

si dans mon bras

il est encor quelque vigueur.

BLONDEL
(à part)

Si je pouvais ! ah, quel bonheur !

Mes bons amis, ne frappez pas,

point de débats.

La paix, la paix, point de débats.

LAURETTE

Mon père, hélas !

Je ne vois pas

le gouverneur.

BLONDEL

Ah ! si c'était ce gouverneur !

ah ! quel bonheur !

Mes bons amis,

soyez unis:

ah ! point de fiel,

la paix du ciel;

point de débats,

ne frappez pas:

(à part)

ah ! si c'était le gouverneur.

 

Guillot, Laurette ->

 

Scène quatrième

Williams, Blondel.

 

WILLIAMS

Rentrez dans la maison; elle dit qn'elle ne l'a point vu, et qu'elle ne lui parle pas, et il lui écrit. Je voudrais bien connaître ce que dit cette lettre; ils ont à présent une manière d'écrire qu'on ne peut déchiffrer. Si quelqu'un ... Ce vieillard n'est pas de ce pays-ci. Bon homme, savez-vous lire ?  

BLONDEL

Ah, mon dieu, oui, je sais lire.

WILLIAMS

Eh bien, lisez-moi cela.

BLONDEL

Ah ! mon bon monsieur, je suis aveugle; ces méchans Sarrasins m'ont brûlé les yeux avec une lame d'acier flamboyante; mais ne voyez-vous pas venir un petit garçon ?

WILLIAMS

Oui.

BLONDEL

C'est lui qui me conduit; il sait lire, il vous lira tout ce que vous voudrez. Antonio, est-ce toi ?

 

Scène cinquième

Les précédens, Antonio.

<- Antonio

 

ANTONIO

Oui, c'est moi, père Blondel.  

BLONDEL

Tu as été bien long-temps.

ANTONIO

Ah, c'est que je l'ai trouvée, et je lui ai dit un petit mot.

BLONDEL

Tiens, lis la lettre de ce monsieur que voilà, et lis bien haut et distinctement; lis, lis, mon petit ami.

ANTONIO

« Belle Laurette... »

WILLIAMS

Belle Laurette ! voilà comme ils leur font tourner la tête.

ANTONIO

« Belle Laurette, mon cœur ne peut se contenir de la joie qu'il ressent, par l'assurance que vous me donnez de m'aimer toujours. »

WILLIAMS

Ah ! fille ingrate ! elle l'aime.

BLONDEL

Laissez, laissez. Continue.

ANTONIO

« Si le prisonnier que je ne peux quitter... »

WILLIAMS

Tant mieux.

BLONDEL
(à part)

Le prisonnier ?

ANTONIO

« Si le prisonnier, que je ne peux quitter, me permettait de sortir pendant le jour, j'irais me jeter... »

WILLIAMS

Fût-ce dans les fossés de ton château !

BLONDEL
(à part)

Qu'il ne peut quitter ! Lis toujours.

ANTONIO

« J'irais me jeter à vos pieds; mais si cette nuit... » Il y a là des mots effacés.

BLONDEL

Ensuite.

ANTONIO

« Faites-moi dire par quelqu'un à quelle heure je pourrais vous parler. Votre tendre, fidèle amant et constant chevalier, Florestan. »

WILLIAMS

Ah, damnation ! goddam !

BLONDEL

Goddam ! Est-ce que vous êtes anglais ?

WILLIAMS

Ah, oui, je le suis.

BLONDEL

Vigoureuse nation ! Eh ! comment est-il possible que, né un brave Anglais, vous soyez venu vous établir dans le fond de l'Allemagne, et dans un pays aussi sauvage qu'on m'a dit qu'il était ?

WILLIAMS

Ah, c'est trop long à vous raconter. Est- ce que nous dépendons de nous ? Il ne faut qu'une circonstance pour nous envoyer bien loin.

BLONDEL

Vous avez raison; car, moi je suis de l'Isle de France, et me voilà ici; et de quelle province d'Angleterre êtes-vous ?

WILLIAMS

Du pays de Galles.

BLONDEL

Vous êtes du pays de Galles ! Ah, si j'avais la jouissance de mes yeux, que j'aurais de plaisir à vous voir. Et comment avez-vous quitté ce bon pays ?

WILLIAMS

J'ai été à la croisade, à la Palestine.

BLONDEL

A la Palestine ! et moi aussi.

WILLIAMS

Avec notre roi Richard.

BLONDEL

Avec votre roi ! et moi de même.

WILLIAMS

Quand je suis revenu dans mon pays, n'ai-je pas trouvé mon père mort,

BLONDEL

Il était peut-être bien vieux ?

WILLIAMS

Ah, ce n'est pas de vieillesse. Il avait été tué par un gentilhomme des environs pour un lapin qu'il avait tué sur ses terres. J'apprends cela en arrivant: je cours trouver ce gentilhomme, et j'ai vengé la mort de mon père par la sienne.

BLONDEL

Ainsi, voilà deux hommes tués pour un lapin.

WILLIAMS

Cela n'est que trop vrai.

BLONDEL

Enfin, vous vous êtes enfui ?

WILLIAMS

Oui, avec ma fille et ma femme, qui est morte depuis, et me voilà. La justice a mangé mon château et mon fief, et je n'ai plus rien là-bas, qu'une sentence de mort; mais ici je ne les crains pas.

BLONDEL

Je vous demande bien pardon de toutes mes questions.

WILLIAMS

Ah ! il ne me déplaît pas de parler de tout cela.

BLONDEL

Et à la croisade, vous avez donc connu le brave roi Richard, ce héros, ce grand homme ?

WILLIAMS

Oui, puisque j'ai servi sous lui.

BLONDEL

Et sans doute vous avez...

WILLIAMS

Mais, j'ai affaire, et je crois que voilà cette voyageuse qui va arriver.

 

Williams ->

 

Scène sixième

Laurette, Blondel, Antonio.

<- Laurette

 
(Antonio, pendant cette scène, tire du pain d'un bissac, et va le manger un peu loin.)
 

LAURETTE

Ah ! bon homme ! dites-moi, je vous en prie, dites-moi ce que vous a dit mon père.  

BLONDEL

C'est vous qui êtes la belle Laurette ?

LAURETTE

Oui, monsieur.

BLONDEL

Votre père est fort irrité; il sait ce que contient la lettre du chevalier Florestan.

LAURETTE

Oui, Florestan; c'est son nom. Est-ce qu'on a lu la lettre à mon père ?

BLONDEL

Non pas moi; je suis aveugle, mais c'est mon petit conducteur.

ANTONIO

Oui, c'est moi; mais, est-ce que vous ne me l'aviez pas dit, de la lire ?

LAURETTE

On aurait bien fait de ne pas le faire.

BLONDEL

Il l'aurait fait lire par un autre.

LAURETTE

C'est vrai. Et que disait la lettre ?

BLONDEL

Que sans le prisonnier qu'il garde... et qu'est-ce que c'est que ce prisonnier?

LAURETTE

On ne dit pas ce qu'il est.

BLONDEL

Que sans le prisonnier qu'il garde, il viendrait se jeter à vos pieds.

LAURETTE

Pauvre chevalier !

BLONDEL

Mais que cette nuit...

LAURETTE

Cette nuit... ah ! la nuit !...

(Elle soupire.)

 

Je crains de lui parler la nuit:    

j'écoute trop tout ce qu'il dit.

Il me dit, je vous aime; et je sens malgré moi,

je sens mon cœur qui bat, et je ne sais pourquoi.

Puis, il prend ma main, il la presse

avec tant de tendresse,

que je ne sais plus où j'en suis;

je veux le fuir, mais je ne puis.

Ah, pourquoi lui parler la nuit

etc.

S

Sfondo schermo () ()

 

BLONDEL

Vous l'aimez donc bien, belle Laurette ?  

LAURETTE

Ah, mon dieu, oui, je l'aime bien.

BLONDEL

En vérité, votre aveu est si naïf, que je ne peux m'empêcher de vous donner un conseil.

LAURETTE

Dites, dites. Je ne sais ici à qui me confier; mais votre air, votre âge: et puis vous ne pouvez me voir; tout cela me donne la hardiesse de vous parler, et me fait, je crois, moins rougir.

BLONDEL

Eh bien, belle Laurette...

LAURETTE

Mais, qui vous a dit que j'étais belle ?

BLONDEL

Hélas ! pour moi, pauvre aveugle, la beauté d'une femme est dans le charme, dans la douceur de sa voix.

LAURETTE

Eh bien ?

BLONDEL

Je vous dirai donc que lorsque ces chevaliers, ces gens de haute condition s'adressent à une jeune personne d'un état inférieur, moins touchés souvent de la beauté, de la noblesse de son âme, que de celle de leur extraction...

LAURETTE

Eh bien ?

BLONDEL

Ils ne se font quelquefois aucun scrupule de la tromper.

LAURETTE

Mais ma noblesse est égale à la sienne.

BLONDEL

Le sait-il ?

LAURETTE

Sans doute. Quoique mon père ait peu d'aisance, nous avons toujours vécu noblement; et si je ne craignais sa vivacité, vivacité qui heureusement l'a forcé de s'établir dans ce pays-ci, je lui aurais confié les intentions du chevalier.

BLONDEL

C'est lui qui est le gouverneur de ce château ?

LAURETTE

Oui.

BLONDEL

Et tout en attendant cette confiance en votre père, vous le recevrez cette nuit: cette nuit ! ce chevalier que vous aimez, vous lui parlerez cette nuit ! Écoutez-moi, ceci n'est qu'une chansonnette.

 

Un bandeau couvre les yeux  

du dieu qui rend amoureux;

cela nous apprend, sans doute,

que ce petit dieu badin

n'est jamais, jamais plus malin,

que quand il n'y voit goutte.

 

LAURETTE

Ah ! redites-moi, s'il vous plaît,

ce joli couplet.

Ah ! je ne dois pas l'oublier;

je veux l'apprendre au chevalier.

 

BLONDEL

Très-volontiers

 
(Ils reprennent ensemble.)

BLONDEL, LAURETTE

Un bandeau couvre les yeux

etc.

 

LAURETTE

Ah, voici je ne sais combien de personnes qui arrivent; des chevaux, des chariots. C'est sans doute cette dame qui vient loger ici; j'y cours.  

BLONDEL

Écoutez donc, belle Laurette, j'ai quelque chose à vous dire.

LAURETTE

De lui ?

BLONDEL

Non.

LAURETTE

Dites donc vite.

BLONDEL

Pourrai-je passer cette nuit-ci seulement, dans votre maison ?

LAURETTE

Non: cela ne se peut pas. Mon père, à la prière d'un ancien ami, a cédé, pour cette nuit seulement, sa maison toute entière, à une grande dame; et, à moins qu'elle ne le permette, nous ne pouvons pas disposer du plus petit endroit: mais demain... Adieu.

BLONDEL

Allons, prenons patience. Antonio ?

ANTONIO

Plaît-il ?

BLONDEL

Va voir s'il n'y a pas d'autre retraite aux environs.

 

Laurette, Antonio ->

 

Scène septième

Blondel, Marguerite, comtesse de Flandres et d'Artois.

<- Marguerite, Domestiques, Chevaliers, Femmes suivantes, Williams

 
(Alors paraissent des gens de toutes sortes, des domestiques, des chevaliers; ils donnent le bras à Marguerite. Elle paraît descendre de son palefroi, et est accompagnée de femmes suivantes. Elle a l'air de donner des ordres.)
 

BLONDEL

Ciel ! que vois-je ? c'est la comtesse de Flandres ! c'est Marguerite; c'est le tendre et malheureux objet de l'amour de l'infortuné Richard ! Ah, j'accepte le présage: sa rencontre ici ne peut être qu'un coup du ciel. Si le roi est ici, et si ces tours lui servent de prison... Ah, dieu ! mais, peut-être me trompai-je !... Voyons si vraiment c'est elle. Si c'est Marguerite, son âme ne pourra se refuser aux douces impressions d'un air qu'en des temps bienheureux son amant a fait pour elle.  

 
(Il joue cet air sur son violon. Dès les premières phrases, Marguerite s'arrête, écoute, s'approche.)
 

MARGUERITE

O ciel, qu'entends-je !... Bon homme, qui peut vous avoir appris l'air que vous jouez si bien sur votre violon ?

BLONDEL

Madame, je l'ai appris d'un brave écuyer qui venait de la terre-sainte, et qui, disait-il, l'avait entendu chanter au roi Richard.

MARGUERITE

Il vous a dit la vérité.

BLONDEL

Mais, madame, vous qui avez la voix d'un ange, n'êtes-vous pas cette grande dame qui doit occuper la maison qu'on m'a dit être ici tout près ?

MARGUERITE

Oui, bon homme.

BLONDEL

Ayez pitié, je vous prie, d'un pauvre aveugle, et permettez-lui d'y passer cette nuit, dans le lieu où il n'incommodera personne.

MARGUERITE

Ah ! je le veux bien, pourvu que vous répétiez plusieurs fois l'air que vous venez de jouer.

BLONDEL

Ah, tant qu'il vous plaira.

MARGUERITE
(à ses gens)

Je vous recommande ce bon vieillard.

 
(Williams donne la main à Marguerite, et la conduit dans sa maison.)

Marguerite, Williams ->

 

Scène huitième

Blondel se met à jouer plusieurs fois ce même air, avec des variations. Pendant ce temps, tout le bagage se décharge: les gens de la comtesse vont et viennent, on dresse une grande table à la porte, on y met du vin et des verres.

<- Antonio, Laurette

 

UN PREMIER DOMESTIQUE
(à Blondel)

Allons, bon homme, mettez-vous là, vous boirez un coup avec nous.  

BLONDEL

Antonio ?

ANTONIO

Me voilà.

BLONDEL
(lui donnant son verre plein)

Tiens, bois mon fils, bois.

(On verse à Blondel un second verre, et il dit après avoir bu:)

En vous remerciant, mes amis; mais je veux payer mon écot.

UN DOMESTIQUE

Eh, comment ça ?

BLONDEL

En vous disant une chanson, et vous ferez chorus.

UN AUTRE DOMESTIQUE

Allons, c'est un bon vivant. Courage, père.

 

BLONDEL
(joue de violon en chantant)

Que le sultan Saladin  

rassemble dans son jardin

un troupeau de jouvencelles,

toutes jeunes, toutes belles,

pour s'amuser le matin,

c'est bien, c'est bien.

Cela ne nous blesse en rien.

Moi je pense comme Grégoire,

j'aime mieux boire.

 
(Ces deux vers sont repris en chœur.)

Qu'un seigneur, qu'un haut baron,

vende jusqu'à son donjon

pour aller à la croisade,

qu'il laisse sa camarade

dans les mains de gens de bien,

c'est bien, c'est bien,

cela ne nous blesse en rien.

Moi je pense comme Grégoire,

j'aime mieux boire.

 

UN OFFICIER DE LA COMTESSE

Voilà madame qui va se retirer dans son appartement.  

UN DOMESTIQUE

Rachevons: encore un couplet, père.

 

BLONDEL

Que le vaillant roi Richard,  

aille courir maint hasard,

pour aller loin d'Angleterre

conquérir une autre terre

dans le pays d'un payen;

c'est bien, c'est bien,

cela ne nous blesse en rien.

Moi je pense comme Grégoire,

j'aime mieux boire.

 

<- Béatrix

BÉATRIX

Finissez donc, Madame vous entend de son appartement.  

 
(Blondel feint de prendre Béatrix pour son petit garçon, et Antonio l'emmène.)

Blondel, Antonio, Béatrix ->

 

Fin (Acte premier)

Acte premier Acte deuxième Acte troisième

Les environs d'un château fort

 
<- Paysans
Paysans
<- Colette, Autres paysans
Colette, Autres paysans
Antonio, je gage
Paysans, Colette, Autres paysans
<- Mathurin, Femme de Mathurin
Mathurin, Femme de Mathurin
Comment, c'est demain
Paysans, Colette, Autres paysans, Mathurin, Femme de Mathurin ->
<- Blondel, Antonio

Antonio, qu'est-ce que j'entends ?

C'est vrai, mon fils, je suis bien à plaindre

 

Continue, je crois la voir

Blondel
Antonio ->

Oui, voilà des tours, des fossés, des redoutes

Mais j'entends du bruit; remettons-nous

Blondel
<- Williams, Guillot

Je t'apprendrai à porter des lettres à ma fille

Williams, Blondel, Guillot, Laurette
C'est de la part du gouverneur ?
Blondel, Williams, Guillot
<- Laurette
 
Blondel, Williams
Guillot, Laurette ->

Rentrez dans la maison

Blondel, Williams
<- Antonio

Oui, c'est moi, père Blondel

Blondel, Antonio
Williams ->
Blondel, Antonio
<- Laurette

Ah ! bon homme ! dites-moi

Vous l'aimez donc bien, belle Laurette ?

 

Ah, voici je ne sais combien de personnes

Blondel
Laurette, Antonio ->
Blondel
<- Marguerite, Domestiques, Chevaliers, Femmes suivantes, Williams

Ciel ! que vois-je ? c'est la comtesse de Flandres !

(Blondel joue cet air sur son violon.)

Blondel, Domestiques, Chevaliers, Femmes suivantes
Marguerite, Williams ->
Blondel, Domestiques, Chevaliers, Femmes suivantes
<- Antonio, Laurette

Allons, bon homme, mettez-vous là

Blondel, Chœur
Que le sultan Saladin

Voilà madame qui va se retirer

Blondel, Domestiques, Chevaliers, Femmes suivantes, Antonio, Laurette
<- Béatrix

Finissez donc, Madame vous entend

Domestiques, Chevaliers, Femmes suivantes, Laurette
Blondel, Antonio, Béatrix ->
 
Pendant l'ouverture Scène première Scène deuxième Scène troisième Scène quatrième Scène cinquième Scène sixième Scène septième Scène huitième
Les environs d'un château fort Le théâtre représente l'intérieur d'un château fort. Sur le devant une terrasse entourée de grilles de... La grande salle de la maison de Williams Le théâtre représente l'assaut donné à la forteresse pur les troupes de Marguerite
Acte deuxième Acte troisième

• • •

Texte PDF Réduit