Acte deuxième

 

Scène première

La place de Grève. Le pilori.
Quasimodo au pilori. Le peuple sur la place.

 Q 

Quasimodo, Truands, Le crieur, Peuple

 
[N. 4 - « Il enlevait une fille »]

 N 

 

CHŒUR DES TRUANDS

~ Il enlevait une fille !    

~ Comment ! Vraiment ?

~ Vous voyez comme on l'étrille en ce moment !

~ Entendez-vous, mes commères ? Quasimodo

s'en vient chasser sur les terres de Cupido !

S

UNE FEMME DU PEUPLE

Il passera dans ma rue

au retour du pilori,

et c'est Pierrat Torterue

qui va nous faire le cri.

LE CRIEUR

De par le roi, que dieu garde !

l'homme qu'ici l'on regarde

sera mis, sous bonne garde,

pour une heure au pilori !

CHŒUR DES TRUANDS

A bas ! à bas !

le bossu ! le sourd ! le borgne !

ce Barabbas !

Je crois, mortdieu, qu'il nous lorgne !

A bas le sorcier !

Il grimace, il rue !

Il fait aboyer

les chiens dans la rue !

~ Corrigez bien ce bandit !

~ Doublez le fouet et l'amende !

QUASIMODO

A boire !

CHŒUR DES TRUANDS

Qu'on le pende !

QUASIMODO

A boire !

CHŒUR DES TRUANDS

Sois maudit !

 
(Depuis quelques instants la Esmeralda s'est mêlée à la foule. Elle a observé Quasimodo avec surprise d'abord, puis avec pitié. Tout à coup, au milieu des cris du peuple, elle monte au pilori, détache une petite gourde de sa ceinture, et donne à boire à Quasimodo.)

<- La Esmeralda

 

CHŒUR DES TRUANDS

Que fais-tu, belle fille ?

Laisse Quasimodo !

A Belzébuth qui grille

on ne donne pas d'eau !

 
(Elle descend du pilori. Les archers détachent et emmènent Quasimodo.)
 

 

~ Il enlevait une femme !

~ Qui ? ce butor ?

~ Mais c'est affreux ! c'est infâme !

~ C'est un peu fort !

~ Entendez-vous, mes commères ?

Quasimodo osait chasser sur les terres de Cupido !

 
 

Scène deuxième

Une salle magnifique où se font des préparatifs de fête.
Phœbus, Fleur-de-lys, Madame Aloïse de Gondelaurier.

 Q 

Phœbus, Fleur-de-lys, Madame Aloïse

 
[N. 5 - Récitatif et air]

 N 

 

MADAME ALOÏSE

Phœbus mon futur gendre, écoutez, je vous aime;  

soyez maître céans comme un autre moi-même;

ayez soin que ce soir chacun s'égaye ici.

Et vous, ma fille, allons, tenez-vous prête.

Vous serez la plus belle encor dans cette fête,

soyez la plus joyeuse aussi !

 
(Elle va au fond, et donne des ordres aux valets qui disposent la fête.)
 

FLEUR-DE-LYS

Monsieur, depuis l'autre semaine

on vous a vu deux fois à peine.

Cette fête enfin vous ramène.

Enfin ! c'est bien heureux vraiment !

PHŒBUS

Ne grondez pas, je vous supplie !

FLEUR-DE-LYS

Ah ! je le vois, Phœbus m'oublie !

PHŒBUS

Je vous jure...

FLEUR-DE-LYS

Pas de serment !

On ne jure que lorsqu'on ment !

PHŒBUS

Vous oublier ! quelle folie !

N'êtes-vous pas la plus jolie ?

Ne suis-je pas le mieux aimant ?

 

PHŒBUS
(à part)

Comme ma belle fiancée  

gronde aujourd'hui !

Le soupçon est dans sa pensée.

Ah ! quel ennui !

Belles, les amants qu'on rudoie

s'en vont ailleurs.

On en prend plus avec la joie

qu'avec les pleurs.

Ensemble

FLEUR-DE-LYS
(à part)

Me trahir, moi, sa fiancée,

qui suis à lui !

Moi qui n'ai que lui pour pensée

et pour ennui !

Ah ! qu'il s'absente ou qu'il me voie,

que de douleurs !

Présent, il dédaigne ma joie,

absent, mes pleurs !

 

FLEUR-DE-LYS

L'écharpe, que pour vous, Phœbus j'ai festonnée,  

qu'en avez-vous donc fait ? je ne vous la vois pas ?

PHŒBUS

(troublé)

L'écharpe ? Je ne sais...

(à part)

Mortdieu ! le mauvais pas !

FLEUR-DE-LYS

Vous l'avez oubliée !

(à part)

À qui l'a-t-il donnée ?

Et pour qui suis-je abandonnée ?

MADAME ALOÏSE

(remontant vers eux et tâchant de les accorder)

Mon Dieu ! Mariez-vous ! vous bouderez après.

PHŒBUS

(à Fleur-de-lys)

Non, je ne l'ai pas oubliée.

Je l'ai, je m'en souviens, soigneusement pliée

dans un coffret d'émail que j'ai fait faire exprès.

(Avec passion, à Fleur-de-lys qui boude encore.)

Je vous jure que je vous aime

plus qu'on n'aimerait Vénus même.

FLEUR-DE-LYS

Pas de serment ! pas de serment !

On ne jure que lorsqu'on ment !

MADAME ALOÏSE

Enfants ! pas de querelle; aujourd'hui tout est joie.

Viens, ma fille, il faut qu'on nous voie.

Voici qu'on va venir. Chaque chose a son tour.

(aux valets)

Allumez les flambeaux, et que le bal s'apprête.

Je veux que tout soit beau, qu'on s'y croie en plein jour

PHŒBUS

Puisqu'on a Fleur-de-lys rien ne manque à la fête.

FLEUR-DE-LYS

Phœbus il y manque l'amour !

 
(Elles sortent.)

Madame Aloïse, Fleur-de-lys ->

 

PHŒBUS

(regardant sortir Fleur-de-lys)  

Elle dit vrai; près d'elle encore

mon cœur est rempli de souci.

Celle que j'aime, à qui je pense dès l'aurore,

hélas! elle n'est pas ici !

 

Fille ravissante !  

À toi mes amours !

Belle ombre dansante

qui remplis mes jours,

et toujours absente

m'apparais toujours !

Elle est rayonnante et douce

comme un nid dans les rameaux,

comme une fleur dans la mousse,

comme un bien parmi des maux !

Humble fille et vierge fière,

âme chaste en liberté,

la pudeur sous sa paupière

émousse la volupté !

C'est, dans la nuit sombre,

un ange des cieux,

au front voilé d'ombre,

à l'oeil plein de feux !

Toujours je vois son image,

brillante ou sombre parfois;

mais toujours, astre ou nuage,

c'est au ciel que je la vois !

Fille ravissante !

À toi mes amours !

Belle ombre dansante

qui remplis mes jours,

et toujours absente

m'apparais toujours !

 
(Entrent plusieurs seigneurs et dames en habits de fête.)
 

Scène troisième

Les précédents, Le vicomte de Gif, M. de Morlaix, m. de Chevreuse, Madame de Gondelaurier, Fleur-de-lys, Diane, Béramgér, Dames, Seigneurs.

<- Le vicomte de Gif, M. de Morlaix, M. de Chevreuse, Madame Aloïse, Fleur-de-lys, Béramgér, Dames, Seigneurs

 
[N. 6 - Final]

 N 

 

LE VICOMTE DE GIF

Salut, nobles châtelaines !  

MADAME ALOÏSE, FLEUR-DE-LYS, PHŒBUS

(saluant)

Bonjour, noble chevalier !

Oubliez soucis et peines

sous ce toit hospitalier !

M. DE MORLAIX

Mesdames, dieu vous envoie

santé, plaisir et bonheur !

MADAME ALOÏSE, FLEUR-DE-LYS, PHŒBUS

Que le ciel vous rende en joie

vos bons souhaits, beau seigneur !

M. DE CHEVREUSE

Mesdames, du fond de l'âme

je suis à vous comme à dieu.

MADAME ALOÏSE, FLEUR-DE-LYS, PHŒBUS

Beau sire, que Notre-Dame

vous soit en aide en tout lieu !

 
(Entrent tous les conviés.)

CHŒUR

Venez tous à la fête !

Page, dame et seigneur !

Venez tous à la fête,

des fleurs sur votre tête,

la joie au fond du cœur.

 
(Les conviés s'accostent et se saluent. Des valets circulent dans la foule, portant des plateaux chargés de fleurs et de fruits. Cependant un groupe de jeunes filles s'est formé près d'une fenêtre, à droite. Tout à coup l'une d'elles appelle les autres et leur fait signe de se pencher hors de la fenêtre.)

<- Jeunes filles, Diane, Bérangère

 

DIANE

(regardant au dehors)  

Oh ! viens donc voir, viens donc voir, Bérangère !

BÉRANGÈRE

(regardant dans la rue)

Qu'elle est vive ! qu'elle est légère !

DIANE

C'est une fée ou c'est l'amour !

LE VICOMTE DE GIF

(riant)

Qui danse dans le carrefour !

M. DE CHEVREUSE

(après avoir regardé)

Eh, mais ! c'est la magicienne !

Phœbus, c'est ton égyptienne,

que l'autre nuit, avec valeur,

tu sauvas des mains d'un voleur.

LE VICOMTE DE GIF

Oui, oui, c'est la bohémienne !

M. DE MORLAIX

Elle est belle comme le jour !

DIANE

(à Phœbus)

Si vous la connaissez, dites-lui qu'elle vienne

nous égayer de quelque tour.

PHŒBUS

(regardant à son tour d'un air distrait)

Il se peut bien que ce soit elle.

(à. M. de Gif)

Mais crois-tu qu'elle se rappelle...

FLEUR-DE-LYS

(qui observe et qui écoute)

De vous toujours on se souvient.

Voyons, appelez-la, dites-lui qu'elle monte.

(à part)

Je verrai s'il faut croire à ce que l'on raconte.

PHŒBUS

(à Fleur-de-lys)

Vous le voulez. Eh bien ! essayons.

(Il fait signe à la danseuse de monter.)

LES JEUNES FILLES

Elle vient!

M. DE CHEVREUSE

Sous le porche elle est disparue.

DIANE

Comme elle a laissé là ce bon peuple ébahi !

LE VICOMTE DE GIF

Dames, vous allez voir la nymphe de la rue.

FLEUR-DE-LYS

(à part)

Qu'au signe de Phœbus elle a vite obéi !

 

Scène quatrième

Les précédents, La Esmeralda.

<- La Esmeralda

 
Entre la bohémienne, timide, confuse, et radieuse. Mouvement d'admiration. La foule s'écarte devant elle.
 

CHŒUR

Regardez ! son beau front brille entre les plus beaux,  

comme ferait un astre entouré de flambeaux !

PHŒBUS

Oh ! la divine créature !

Amis, de ce bal enchanté

elle est la reine, je vous jure.

Sa couronne c'est sa beauté !

(Il se tourne vers MM. de Gif et de Chevreuse.)

Amis, j'en ai l'âme échauffée !

Je braverais guerre et malheur,

si je pouvais, charmante fée,

cueillir ton amour dans sa fleur !

LA ESMERALDA

(l'oeil fixé sur Phœbus dans la foule)

C'est mon Phœbus j'en étais sûre,

tel qu'en mon cœur il est resté !

Ah! sous la soie ou sous l'armure,

c'est toujours lui, grâce et beauté !

Phœbus! ma tête est embrasée !

Tout me brûle, joie et douleurs.

La terre a besoin de rosée,

et mon âme a besoin de pleurs !

MADAME ALOÏSE

C'est une belle créature !

Il est étrange, en vérité,

qu'une bohémienne impure

ait tant de charme et de beauté !

Mais qui connaît la destinée ?

Souvent le serpent oiseleur

cache sa tête empoisonnée

sous le buisson le plus en fleur.

Ensemble

M. DE CHEVREUSE

C'est une céleste figure !

Un de ces rêves enchantés

qui flottent dans la nuit obscure

et sèment l'ombre de clartés !

Dans le carrefour elle est née.

Ô jeux aveugles du malheur !

Quoi ! dans l'eau du ruisseau traînée,

hélas ! une si belle fleur !

FLEUR-DE-LYS

Qu'elle est belle ! j'en étais sûre.

Oui, je dois être, en vérité,

bien jalouse, si je mesure

ma jalousie à sa beauté !

Mais peut-être, prédestinées,

sous la rude main du malheur,

elle et moi, nous serons fanées

toutes les deux dans notre fleur !

 

TOUS ENSEMBLE

Elle a le calme et la beauté

du ciel dans les beaux soirs d'été !

 

MADAME ALOÏSE
(à la Esmeralda)

Allons, enfant, allons, la belle,  

venez, et dansez-nous quelque danse nouvelle.

 
(La Esmeralda se prépare à danser et tire de son sein l'écharpe que lui a donnée Phœbus.)
 

FLEUR-DE-LYS

Mon écharpe !... Phœbus je suis trompée ici,

et ma rivale, la voici !

 
(Fleur-de-Lys arrache l'écharpe à la Esmeralda et tombe évanouie. Tout le bal s'ameute en désordre contre l'égyptienne, qui se réfugie près de Phœbus.)
 

TOUS

Est-il vrai ? Phœbus l'aime !  

Infâme ! sors d'ici.

Ton audace est extrême

de nous braver ainsi !

Ô comble d'impudence !

Retourne aux carrefours

faire admirer ta danse

aux marchands des faubourgs !

Que sur l'heure on la chasse !

À la porte ! il le faut.

Une fille si basse

élever l'oeil si haut !

 

LA ESMERALDA

Oh ! défends-moi toi-même,

mon Phœbus, défends-moi.

L'humble fille bohème

n'espère ici qu'en toi.

PHŒBUS

Je l'aime, et n'aime qu'elle !

Je suis son défenseur.

Je combattrai pour elle.

Mon bras est à mon cœur.

S'il faut qu'on la soutienne,

eh bien, je la soutien !

Son injure est la mienne,

et son honneur le mien !

TOUS

Quoi ! voilà ce qu'il aime !

Hors d'ici ! hors d'ici !

Quoi ! c'est une bohème

qu'il nous préfère ainsi !

Ah ! tous les deux, silence

sur une telle ardeur !

(à Phœbus)

Vous, c'est trop d'insolence !

(à la Esmeralda)

Toi, c'est trop d'impudeur !

 
(Phœbus et ses amis protègent la bohémienne entourée des menaces de tous les conviés de madame de Gondelaurier. La Esmeralda se dirige en chancelant vers la porte. La toile tombe.)
 

Fin (Acte deuxième)

Acte premier Acte deuxième Acte troisième Acte quatrième

La place de Grève. Le pilori.

Quasimodo, Truands, Le crieur, Peuple
 

[N. 4 - « Il enlevait une fille »]

Chœur, Une femme, Le crieur, Quasimodo
Il enlevait une fille !
Quasimodo, Truands, Le crieur, Peuple
<- La Esmeralda
 

Une salle magnifique.

Phœbus, Fleur-de-lys, Madame Aloïse
 

[N. 5 - Récitatif et air]

Phœbus mon futur gendre, écoutez, je vous aime

Phœbus, Fleur-de-lys
Comme ma belle fiancée

L'écharpe, que pour vous, Phœbus j'ai festonnée

Phœbus
Madame Aloïse, Fleur-de-lys ->

Elle dit vrai; près d'elle encore

Phœbus
<- Le vicomte de Gif, M. de Morlaix, M. de Chevreuse, Madame Aloïse, Fleur-de-lys, Béramgér, Dames, Seigneurs

[N. 6 - Final]

Le vicomte de Gif, Madame Aloïse, Phœbus, Fleur-de-lys, M. de Morlaix, M. de Chevreuse
Salut, nobles châtelaines !
Phœbus, Le vicomte de Gif, M. de Morlaix, M. de Chevreuse, Madame Aloïse, Fleur-de-lys, Béramgér, Dames, Seigneurs
<- Jeunes filles, Diane, Bérangère

Oh ! viens donc voir, viens donc voir, Bérangère !

Phœbus, Le vicomte de Gif, M. de Morlaix, M. de Chevreuse, Madame Aloïse, Fleur-de-lys, Béramgér, Dames, Seigneurs, Jeunes filles, Diane, Bérangère
<- La Esmeralda
Chœur, Phœbus, M. de Chevreuse, La esmeralda, Fleur-de-lys, Madame Aloïse, Diane, Bérangère
Regardez ! son beau front brille entre les plus beaux

Allons, enfant, allons, la belle

Tous, La Esmeralda, Phœbus
Est-il vrai ? Phœbus l'aime !
 
Scène première Scène deuxième Scène troisième Scène quatrième
La Cour des miracles. Il est nuit. La place de Grève. Le pilori. Une salle magnifique. Le préau extérieur d'un cabaret. À droite la taverne. À gauche des arbres. Une chambre. Au fond, une fenêtre qui donne sur la rivière. Une prison. Au fond, une porte. Le parvis Notre-Dame. La façade de l'église.
[Ouverture] [N. 1 - Introduction et chœur] [N. 2 - Air et récitatif] [N. 3 - Final] [N. 4 - « Il enlevait une fille »] [N. 5 - Récitatif et air] [N. 6 - Final] [N. 7 - Chanson et chœur] [N. 8 - Scène et air avec chœur] [N. 9 - Scène et duo] [N. 10 - Scène et trio] [N. 11 - Entracte et récitatif] [N. 12 - Récitatif et duo] [N. 13 - Air de Cloches] [N. 14 - Récitatif et duo] [N. 15 - Final]
Acte premier Acte troisième Acte quatrième

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