Acte premier

 
[Ouverture]

 N 

 
Le thèâtre représente une forêt. On voit au fond un château antique, en avant une tour très-élevée et très-saillante, des fossés, un pont-levis; on apperçoit au haut de la tour une lucarne défendue par une petite grille de fer: la scène, à droite et à gauche, est occupée par des arbres et des rochers.
 

Scène première

Il fait encore nuit.
Titzikan, Tartares

 Q 

Titzikan, Tartares, Un Tartare

 
(Ils avancent mystériusement pour prendre connaissance du site.)
 
[N. 1 - Introduction]

 N 

 

TITZIKAN

Approchez sans défiance,  

tout est calme en ce séjour.

Concertons notre vengeance,

visitons chaque détour.

CHŒUR

Concertons notre vengeance,

visitons chaque détour.

UN TARTARE

Tu connais notre courage !

TITZIKAN

Comme tu connais mon cœur.

UN AUTRE TARTARE

Quel sera notre partage ?

 

TITZIKAN

C’est la palme du vainqueur !  

TITZIKAN

Votre chef est intrépide,

secondez bien ses desseins;

chers amis, quand je vous guide,

la victoire est dans nos mains.

Ensemble

TARTARES

Notre chef est intrépide,

secondons bien ses desseins;

Titzikan est notre guide,

la victoire est dans nos mains.

 
Parlé

TITZIKAN
(aux Tartares)

Vous voyez, mes amis, le château du Baron de Dourlinski... Cet homme, né féroce, fut de tout tems inutile à sa patrie; mais, vous le savez, funeste à nos contrées !... L’instant de nous en venger ne tardera peut-être point à nous luire; lassez à mon expérience le soin d'en profiter... En attendant, occupez toutes les issues de cette forêt, faites prisonnier tout étranger qui s’y présentera... Sur-tout, respectez les jeurs de ceux que le hasard vous livrera, il ne fat pas que l'innocent soufre pour le coupable, et n’oubliez jamais, braves gens, qu’on ne doit point servir ses intérêts aux dépens de la justice et de l’humanité !... Allez.  

 
(Les Tartares sortent, à l'exception d'un seul qui a la confiance de Titzikan.)

Tartares ->

 

Scène deuxième

Titzikan, Un Tartare.

 

LE TARTARE

Mais, Titzikan, quel est ton dessein sur ce Dourlinski ?  

TITZIKAN

Je n'en sais rien encore.

LE TARTARE

Et tu viens de dire à tous nous Tartares se tenir prêts, sans savoir ce que tu veux entreprendre ?

TITZIKAN

Sans doute... je suis lente à me préparer, prompt à saisir l'occasion, et courageux dans l'action.

LE TARTARE

Mais encore, faudrait-il savoir ?...

TITZIKAN
(avec force)

Je sais que je veux me venger, et c'est assez pour moi.

LE TARTARE

Sais-tu que ce Dourlinski est puissant ?...

TITZIKAN

Sais-tu que Titzikan est brave ?

LE TARTARE

Mais ces tours, ces fossés, ces fortifications sont terribles !

TITZIKAN

Tant mieux; un succès difficile aura pour mois plus de charme.

LE TARTARE
(avec mystère)

Il est un moyen de te venger...

TITZIKAN

Parle; quel est-il ?

LE TARTARE

Tu sais que ce Dourlinski sort de son domaine pour différents incursions... Son escorte, souvent

peu nombreuse, pourrait nous favoriser, et...

TITZIKAN

Triompher d’un traître par la trahison, c'est l'imiter et non pas le vaincre... Souviens-toi que tu conseilles Titzikan.

 
[N. 2 - Air]

 N 

Triomphons avec noblesse !    

Devons tout à la valeur;

la ruse est une faiblesse;

elle flétrit le vainqueur.

Si tu m’offres la victoire,

peins-la digne de mon cœur;

Titzikan chérit la gloire,

mais offerte par l’honneur !

S

Sfondo schermo () ()

 
(Ici le thèâtre s'éclaire par degrés.)
 
Parlé

TITZIKAN

Le soleil se lève; retirons-nous... Mais, qu’aperçois-je ?... Deux étrangers viennent à nous; ils sont à pied... Ils portent l’habit polonais... Comment ont-ils pu échapper à la vigilance de nos Tartares ?... Viens, ami, écartons-nous, et séchons quel est leur dessein.  

 
(Ils se cachent.)
 

Scène troisième

Floreski, Varbel (portant une petite valise).

<- Floreski, Varbel

 

VARBEL

Fort bien, seigneur, continuez... Vous faites des merveilles ! Les Tartares nous ont pris nos chevaux, et nous voici à pied au bout de la forêt d’Ostropol ?  

FLORESKI

Ils nous ont surpris.

VARBEL

Sans la nuit qui a favorisé notre fuite, nous eussions bien pu accompagner nos montures ?

FLORESKI

Que faire ?

VARBEL

Ma foi, ce qu’il vous plaira... Quant à moi... je ne bouge d'ici jusqu'au soir... J’ai une faim du diable et ce tronc d’arbre va me servir de table.

FLORESKI

Et.. si d'autres Tartares viennent encore nous troubler ?

VARBEL

Eh bien, j'en serai enchanté !... Nous aurons le plaisir d'être vendus à l'encan par des corsaires... Mais ce qui me consolera, c'est que vous l'auriez bien merité.

FLORESKI

Tu grondes sans cesse... Pourquoi m’as-tu suivi ?

VARBEL

Pourquoi ? Pourquoi ?... Parce que mon faible cœur l’emporte sur ma colère, et qu'en dépit du sens commun, je veux partager votre infortune pour vous sauver la moitié de vos peines.

FLORESKI

Généreux Varbel ! Par-tout je te retrouve... Crois que ma reconnaissance...

VARBEL
(avec impatience)

Oh ! vous ne m'en devez pas... C'est bien malgré moi, si dans cette occasion mon attachement l'emporte.

FLORESKI

Mon cher Varbel, appaise-toi.

 
[N. 3 - Aria]

 N 

VARBEL

Voyez la belle besogne,  

vraiment j’en rougis pour vous;

courir toute la Pologne,

on nous prendrait pour deux fous !

Vous cherchez une maîtresse,

que vous ne trouverez pas;

moi, j’ai la sotte faiblesse

de m’égarer sur vos pas !

Par-tout dans nos déroute,

nous demandons tous les jours:

"Si l’on a vu sur la route

l’objet de vos chers amours."

On répond avec surprise:

"Quel est donc ce bijou-là ?"

Nous disons avec franchise:

"La belle Lodoïska !"

On rit de notre sottise,

et puis l’on nous plante-là...

Courtiser femme jolie !...

c’est un plaisir de saison;

on peut aimer dans la vie,

et conserver sa raison.

Mais, mais,... courir la Pologne,

vraiment j’en rougis pour vous

etc.

 
Parlé

FLORESKI

Que pouvais-je faire ?  

VARBEL

Rester tranquille à Varsovie, et ne pas aller vous gendarmer à la diète contre l'avis du père de Lodoïska.

FLORESKI

Que me dis-tu ? Obligé par la mort de mon père de remplir sa place à la diète, je devois lui succéder avec honneur... Il s'agissoit des droits du peuple; je les ai déffendus et les défendrai jusqu'à la mort.

VARBEL

Soit: mais vous deviez bien vous attendre à ce que le père de votre belle vous retirerait sa parole et sa fille.

FLORESKI

Était-ce une raison pour se séparer d’elle, et cacher à l’univers le lieu de sa retraite ?

VARBEL

Ah, c’est qu’il vous connaissait bien !

FLORESKI

Toujours; je l’avais trouvé sévère, mais du moins, juste et bienfaisant.

VARBEL

Ajoutez, entêté,... mais n’en disons point de mal, puisqu’il est mort.

FLORESKI

Et malheureusement avec son secret.

VARBEL
(avec impatience)

Ce secret peut-il toujours en être un ? N’était-il pas plus naturel d’attendre à Varsavie, que Lodoïska informée de la mort du prince Altanno son père, y vint réclamer tous ses droits et les soins maternel ?

FLORESKI

Mon ami, encore quelques recherches, et je cèdes à tes vœux.

VARBEL
(avec la plus grande impatience)

Mais imaginez-vous qu'on ait choisi les grands chemins pour sa prison ?... Dieu-merci, nous n'en sortons pas... Nous avons l'air de deux insensés qui menons notre folie à travers les forêts... Mais graces au ciel, nous allons changer notre manière, les Tartares y ont mis bon ordre, et comme deux pélerins, nous nous en retournons à pied.

 
(Ici Titzikan et les Tartares paraisent.)
 

FLORESKI

Varbel, voici des Tartares;... il nous observent.  

VARBEL
(avec une impatience ironique)

Ah ! à la bonne heure ! Voilà ce que j’attendais. Ils vont nous rassurer... ou... nous le rosserons.

 

Scène quatrième

Floreski, Varbel, Titzikan, Un Tartare.

 
[N. 4 - Quatuor]

 N 

 

TITZIKAN

Étrangers, n’ayez point d’alarmes,  

nous ne sommes point inhumains;...

mais il faut remettre vos armes,

à l’instant même entre nos mains.

FLORESKI

D’où te vient donc autant d’audace ?

Penserais-tu m’épouvanter ?

Crois-tu qu’en vain l’on me menace ?

Cesse, cesse de le tenter !

TITZIKAN

Crois-moi, cède sans résistance.

FLORESKI

Renonce à ce frivole espoir !

TITZIKAN

Jeune homme, un peu plus de prudence...

FLORESKI

Je redoute peu ton pouvoir.

UN TARTARE

Il faut, il faut nous satisfaire,

vous comptez vous soustraire en vain...

VARBEL

Je vois bien que dans cette affaire

le combattre est le plus certain.

FLORESKI

Éloignez-vous...

TITZIKAN

Vaine espérance...

Obéissez...

FLORESKI

Quelle insolence.

TITZIKAN, UN TARTARE, FLORESKI, VARBEL

C’est aussi trop d’indulgence...

Je me livre à mon transport,

contre mon impatience,

n’opposez aucun effort.

 
(Le combat s'engage; Varbel se bat avec le Tartare qu'il poursuit jusques hors du thèâtre. Titzikan reste au prises avec Floreski.)

Varbel, Un Tartare ->

 

Scène cinquième

Floreski, Titzikan.

 
(Floreski, après quelques instans de combat, désarme Titzikan, et lui tiens la point au cœur.)
 
Parlé

TITZIKAN

Un brave homme, tel que toi, doit être généreux... Je te demande la vie... J’aurais épargné la tienne;... je ne voulais que te désarmer...  

 

Scène sixième

Floreski, Titzikan, Varbel.

<- Varbel

 

VARBEL

(accourrant l'épée à la main)  

Gardez-vous, seigneur, d’écouter un sentiment de pitié... C’est sans doute un piège qu'il vous tend, pour reprendre sur vous l'avantage...

FLORESKI

(rendant la libetrté ò Titzikan)

Je compte sur ta foi.

TITZIKAN

Tu fais bien, jeune homme; ton bienfait est déjà gravé dans mon cœur.

 
(Ici l'on entend le bruit d'une horde de Tartares, accourant pour venger Titzikan.)
 

VARBEL

Je vous l’avais dit, mon maître, que la pitié nous ferait retomber au pouvoir de ces brigands.

TITZIKAN

Quand on a montré ton courage, on compte ordinairement sur la foi d'autrui... Je suis le chef de cette horde... Tous ces Tartares me sont soumis...

 
(Les Tartares viennent avec violence, le sabre à la main: Titzikan s'oppose à leurs desseins.)

<- Tartares

 

TITZIKAN

Arrêtez !... Arrêtez !... Respectez ces étrangers, je les prends sous ma garde; partagez avec moi la reconnaissance que je leur dois...  

(à Floreski)

J'etais ton ennemi; de plus, je suis Tartare, mais un cœur généreux peut naître en tous les climats... En t'attaquant, j'ai fait mon métier;... tu as fait ton devoir en te défendant bien... Tu m'as laissé la vie... je sauve la tienne... je t’admire... estime-moi... embrassons-nous.

FLORESKI

De tout mon cœur.

TITZIKAN

Quel est ton nom ?

FLORESKI

Je suis le comte Floreski.

TITZIKAN
(à Varbel)

Et toi ?

VARBEL

Varbel, le compagnon fidèle d'un maître malheureux.

TITZIKAN
(à Floreski)

Que dit-il ?... Tu es malheureux... Que puis-je pour toi ?... Parle... Ouvre moi ton cœur... Mon ami, ma fortune peut-elle réparer...

FLORESKI

Je te remercie.

TITZIKAN

Accepte... je t'en prie, sois généreux une seconde fois !...

FLORESKI

Homme admirable !... si ce n'était que le besoin d'or qui tourmentât mon cœur, je me ferais un devoir d'accepter tes secours;... mais une douleur cruelle !...

TITZIKAN

Que puis-je l'adoucir ?

FLORESKI

Rien, mon ami.

TITZIKAN

En ce cas, ne m'en parle point; ne pouvant le soulager, ma curiosité ne te serait qu'importune... Adieu; je vais vous quitter...

(aux Tartares)

Compagnons, que les noms de Floreski et de Varbel

soient aujourd’hui les mots de l’ordre sut toute la côte.

 
[N. 5 - Trio et chœur]

 N 

 

TITZIKAN

Jurons, quoiqu’il faille entreprendre,    

amis, de nous joindre à leur sort;

oui, s’il le faut pour les défendre,

nous combattrons jusqu’à la mort.

S

FLORESKI

J’accepte avec reconnaissance

le digne présent de ton cœur;

oui ! par cette heureuse alliance,

je soulagerai ma douleur !

TITZIKAN

Non, non, point de reconnaissance;

je n’ai besoin que de ton cœur;

puisse cette heureuse alliance

soulager au moins ta douleur !

VARBEL

Il ne veut pour sa récompense

que le présent de votre cœur !

oui, par cette heureuse alliance

il calmera votre douleur !

TITZIKAN, CHŒUR

Jurons, quoiqu’il faille entreprendre,

amis, de nous joindre à leur sort.

Oui, s’il le faut pour les défendre

nous combattrons jusqu’à la mort.

Ensemble

FLORESKI, VARBEL

Ils jurent de tout entreprendre,

et de s’unir à notre sort.

Oui, s’il le faut pour nos défendre

ils combattront jusqu’à la mort.

 
Parlé

TITZIKAN

En te quittant, Floreski, Je veux encore emporter ton estime... Garde toi de croire qu'un intérêt sordide attire Titzikan dans cette forêt... Le baron de Dourlinski dont tu vois ici le château...  

FLORESKI

Dourlinski, dis-tu ?... Ce nom m'est connu.

TITZIKAN

Puisse-tu ne jamais connaître que son nom... C'est un scélérat, l'horreur de cette contrée, l'oppresseur de tous ceux qui l'environnent, et qui gémissent sous le poids de sa tyrannie... Chacun de ceux qu'il appelle ses vassaux, respire en secret la vengeance, n'attend qu'un chef intrépide pour secouer le joug dont ce monstre l'accable... J'ai tenté ce grand ouvrage: Titzikan veut être le mortel leureux qui va rendre à la liberté des hommes dont la vertu n'est qu'assoupie; je leur ouvrirai le chemin de la gloire, et le réveil de leur courage m'est un sur garant de la victoire; ils combattront pour eux, pour leurs droits, pour la liberté enfin !... et le tyran disparoitra du monde, en acquittant, par son trépas, les crimes dont il aura souillé son odieuse vie. Je n'attends que l'instant favorable, et dans la crainte d'une surprise, j'avais ordonné qu'on désarmât tous ceux qui aborderaient ici... Tu vois ma confiance... Vous n'ête point faits, l'un et l'autre, pour en abuser. Adieu, braves amis !... Je vais moi-même veiller à votre sureté.

(à Floreski)

Donne moi la main, je sens-là que je t'aime pour la vie !

(à Varbel)

Toi, je t'estime... Tu es courageux... Tu aimes bien ton maître... Vous vous méritez tous deux... Adieu... Pensez, quelque-fois, à Titzikan... Tâchez d'avoir besoin de lui, et vous verrez comme il vous servira !...

(aux Tartares)

Marchons.

 
(Il sort avec sa horde.)

Titzikan, Tartares ->

 

Scène septième

Floreski, Varbel.

 

FLORESKI

Quel étonnant langage !  

VARBEL

Ma foi, seigneur, je n’en reviens pas; être tout ensemble Tartare, honnête homme, sensible, franc

et généreux... Ce n’est qu’en voyageant beaucoup qu’on peut rencontrer un tel prodige.

FLORESKI

Ce château, dit-il, appartient au baron de Dourlinski, si la mémoire ne me trompe. Il était lié avec le père de Lodoïska.

VARBEL

Cela est vrai. Mais que nous importe... C'est assez nous arrêter, si vous m'en croyez; mangeons vîte un morceau et plions bagage.

FLORESKI

J'y consens.

VARBEL

Venez, mon cher maître, voici près de cette tour un banc qui nous sera très-commode. (Ils s'asseyent.) Avez-vous de l’appétit ?

FLORESKI

Nullement.

VARBEL

Moi, beaucoup,... sur-tout depuis cette petite quarrée que nous venons de faire... J’ai une faim,... comme vous voyez. Quant à vous, qui vivez d'amour, ça fait une superbe nourriture.

 
[N. 6 - Polonaise]

 N 

Souvent près d’une belle    

j’osais parler d’amour;

je brûlais fort pour elle

sans jeûner un sol jour.

Sûr qu’en fait de tendresse

il n’est qu’un bon moyen:

c’est de prouver sans cesse

que l’on se porte bien.

S

 

 

Faites comme moi, et vous vous en trouverez mieux.

 

FLORESKI

Perdre ma belle ?

plutôt le jour,

je vis pour elle

et meurs d’amour.

Espoir, tendresse

sont mes soutiens;

amour, maîtresse

sont tous mes biens.

 

VARBEL

Ma foi, j'aime à varier mes plaisirs, moi; je ne suis jamais amoreux quand je suis à jeun; mais à présent...

 

VARBEL

Qu’un tendrons à ma guise

vienne m’offrir son cœur,

je pourrai sans remise

lui prouver mon ardeur.

De l’amour à la table

le plaisir me conduit;

et sans être coupable,

je change d’appétit.

Ensemble

FLORESKI

Qu’amour me conduise

un tendre cœur;

il lui déguise

tout son malheur.

Tromper aimable

quand il sourit;

il nous accable,

blesse et s’en rit.

 
Parlé

FLORESKI

Notre événement avec ces Tartares est singulier.

VARBEL
(mangeant)

Oh ! ce n'est peut-être pas le dernier... Grace à vos promesses... Nous sommes, vous et moi, dans le train des grandes aventures.

(On jette une pierre de la tour.)

Bon.. en voici une d'une espéce à nous casser la tête... Passons, s'il vous plait, sur l'autre banc...

 
(Ils traversent et s'asseyent.)
 

FLORESKI

Une pierre se sera détachée de la tour...

VARBEL

Parbleu ! cela se voit... Mais ici nous éviterons les fâcheux effets de la décadence de cette antique forteresse.

(Il tombe une seconde pierre.)

Encore ?

FLORESKI

Ce hasard, en apparence, ne cacherait-il pas quelque mystère ?...

VARBEL

Toujours le même ! Cherchant des motifs extraordinaires à des choses toute simples... Voulez-vous que je vous dise quel mystère cela cache ?... C'est... que si nous ne décampons au plus vîte, nous courons les risques de porter la tour sur nos épaules.

FLORESKI

(regardant à terre la première pierre)

Que voi-je ?... Des caracters !

(Il ramasse la pierre.)

Ô ciel ! Varbel;... regarde ces mots tracés... Est-ce vous, Floreski ?... Grand dieu ! qui peut nous connaître en ces lieux... Vois, mon ami, ramasse l'autre promptement...

VARBEL

(allant chercher la seconde pierre)

Ceci commence aussi à m'étonner.

FLORESKI

Eh bien !... donnez donc.

VARBEL

La voilà.

FLORESKI
(lisant)

C'est toi... je te reconnais... Délivre la malheureuse Lodoïska; mais sois prudent ! Ah ! Varbel ! elle est enfermée dans cette horrible tour... Lodoïska !... ma digne amie !... je te sauverai... ou je périrai avec toi... Varbel, où est Titzikan ?... J'ai besoin des ses secours... Inutile espérance, il est ben loin... Varbel, aide-moi de tes conseils... Je ne suis plus à moi.

VARBEL

Si vous ne rappellez votre raison... je ne vous donne aucun avis.

FLORESKI
(toujours agité)

Eh bien, mon ami, tu vois... je suis calme... je m'abandonne à toi... dépêche-toi... le tems presse... prends pitié de moi... je te devrai plus que la vie... tu vois que j'attends... Eh bien, quel moyen as-tu trouvé ?...

VARBEL

Donnez-vous donc patience...

FLORESKI
(avec emportement)

Mon ami, j'en ai... Mais, au nom de tout ce qui m'est cher, ne me fais pas languir...

VARBEL

Il nous foudrait être en forces.

FLORESKI

Oui; mais nous n'y sommes pas,... ainsi...

VARBEL

Allons à Varsovie: nour reviendrons, avec vos amis, forcer le maître de ce château de nous la rendre.

FLORESKI

Non, non: pendant ce tems elle deviendrait la victime de ce barbare... Je t’en prie, un autre moyen

que nous puissions employer là tout de suite.

VARBEL

Ma foi, je ne vois aucun.

 

Scène huitième

Floreski, Varbel, Lodoïska (dans la tour).

<- Lodoïska

 
[N. 7 - Final]

 N 

 

LODOÏSKA

Floreski ! Floreski !...  

FLORESKI

Je l'entends... Elle appelle...

VARBEL

Paix ! paix ! Faites silence. Écoutons bien tous deux.

LODOÏSKA

Prends garde à toi; fuis ce séjour affreux !

Fuis d’un tyran la colère cruelle !

FLORESKI

Non; ne l’espère pas, l’amant le plus fidèle,

veut te ravir à ces funestes lieux !

VARBEL

Entendez-vous l’avis qu’elle vous donne ?

FLORESKI
(à Lodoïska)

Non, non, jamais; en vain elle l’ordonne;

je ne puis plus quitter ces lieux sans toi.

LODOÏSKA

Cruel ! tu me glace d’effroi;

tu te perdras sans sauver ton amie !

VARBEL

Vous voulez exposer sa vie.

FLORESKI
(à Lodoïska)

Je n’écoute que mon transport;

tu peux compter sur mon courage.

LODOÏSKA

Tu vas tomber dans l’esclavage,

sans pouvoir adoucir mon sort.

VARBEL

Elle a raison, soyez plus sage;

vous tenteriez un vain effort.

LODOÏSKA

Mon ami...

FLORESKI

Je t'entends.

VARBEL

Paix ! paix ! faites silence.

LODOÏSKA

À minuit...

FLORESKI

À minuit ?

VARBEL

À minuit !... écoutons.

LODOÏSKA

Tu pourras...

FLORESKI

Je pourrai ?...

VARBEL

Chut, chut ! de la prudence !

LODOÏSKA

M’apporter...

FLORESKI

Te porter ?...

VARBEL

Lui porter !... observons.

LODOÏSKA

Un billet...

FLORESKI

Un billet ?

VARBEL

Un billet !... comment faire ?

LODOÏSKA

Du sommet...

FLORESKI

Du sommet...

VARBEL

Du sommet !... Un moment !

LODOÏSKA

De la tour...

FLORESKI

De la tour ?...

VARBEL

De la tour !... bonne affaire !

LODOÏSKA

Un ruban...

FLORESKI

Un ruban ?...

VARBEL

Un ruban !... c’est charmant !

LODOÏSKA

Que le ciel...

FLORESKI

Que le ciel ?

VARBEL

Que le ciel !... j’imagine.

LODOÏSKA

Me laissa...

FLORESKI

Te laissa ?...

VARBEL

Lui laissa !... bon moyen.

LODOÏSKA

Me rendra...

FLORESKI

Te rendra ?...

VARBEL

Lui rendra !... je devine.

LODOÏSKA

Cette lettre...

FLORESKI

Ah ! Varbel...

VARBEL

Oui, je comprend fort bien.

 

LODOÏSKA

Sois prudent, je t’en conjure  

au nom du plus tendre amour !

Cache une telle aventure

aux tyrans de ce séjour !

VARBEL

Croyez-la, je vous conjure,

méfiez-vous en ce jour !

Un témoin de l’aventure,

peut vous perdre sans retour !

Ensemble

FLORESKI

Calme-toi, je t’en conjure

au nom du plus tendre amour !

Mon cœur dans cette aventure

présage un plus heureux jour !

 
(Lodoïska se retire)

Lodoïska ->

 

Scène neuvième

Floreski, Varbel.

 

FLORESKI

Eh ! bien: qu’allons nous entreprendre ?  

VARBEL

Il faudrait suivre son conseil;

demain au lever du soleil

à Varsovie il faut nous rendre.

FLORESKI

Pour ce projet as-tu compté sur moi ?

non, non, Varbel, détrompe-toi.

VARBEL
(après un moment)

Il me vient une idée... Attendez mon cher maître.

Non... c’est trop dangereux !... cela n’irait pas bien.

FLORESKI

Oh ! cela te paraît trop périlleux, peut-être ?

Tu verras, mon ami, que ce n'est presque rien.

VARBEL

Cela vous plaît à dire ?... au risque de la vie !...

Eh, qu’importe au surplus... je vous la sacrifie.

 
(Il réve et sourit.)
 

FLORESKI

Tu ris ?... Je vois que ce projet

est bien conçu, puis qu’il te plaît.

VARBEL
(vivement)

Il faut par un moyen unique,

pénétrer jusqu’à ce château !

FLORESKI
(avec enthousiasme)

Oui, ce transport est vraiment beau,

et ton projet est magnifique.

VARBEL

Le tyran ne sait point, encor,

qu’elle vient de perdre son père;

vous allez passer pour son frère,

et nous demanderons de la part de sa mère

votre Lodoïska.

FLORESKI

Ah ! tu vaux un tresor !

Allons, il faut nos introduire.

Sonne en toute sécurité.

FLORESKI, VARBEL

Exécutons ce projet concerté.

 
(Varbel donne du cor près du pont-le-vis; un moment après, un trompette paraìt sur le rempart; Floreski lui ordonne de sonner à son tour, ce qu'il exécute sur le champ et se retire.)
 

Scène dixième

Floreski, Varbel, Altamoras, Chœur, Soldats.

<- Altamoras, Soldats

 
(On basse le pont.)
 

ALTAMORAS

(s'arrêtant sur le pont)  

Étrangers, pourrait-on s’instruire,

que demandez-vous en ces lieux ?

FLORESKI

Au maître du château tous deux

nous vous prions de nous conduire.

ALTAMORAS

Peut-on savoir votre projet ?

FLORESKI

Oui; devant lui, s’il le permet.

ALTAMORAS

Il faut nous remettre vos armes.

FLORESKI

C’est prendre enfin trop de souci;

c’est passer trop loin vos alarmes.

 
(Floreski et Varbel remettent leurs épées.)
 

ALTAMORAS

C’est l’usage en entrant ici;  

suivez-moi, mais prenez garde !

Craignez l'aspect de ces lieux,

c'est en vain que l'on hazarde

un projet audacieux !

CHŒUR

Suivez-nous, mais prenez garde.

Craignez l'aspect de ces lieux,

c'est en vain que l'on hazarde

un projet audacieux !

FLORESKI

Marchons, mais soyons en garde;

pénétrons jusqu’en ces lieux....

Pour l’amour je le hasarde

ce projet si périlleux !

Ensemble

VARBEL

Marchons, mais soyons en garde;

pénétrons jusqu’en ces lieux....

Pour vous seul je le hasarde

ce projet si périlleux !

 
(Floreski et Varbel montent au château au milieu des soldats.)

Floreski, Varbel, Altamoras, Soldats ->

 

Fin (Acte premier)

Acte premier Acte deuxième Acte troisième

[Ouverture]

Le thèâtre représente une forêt. On voit au fond un château antique, en avant une tour très-élevée et très-saillante, des fossés, un pont-levis; on apperçoit au haut de la tour une lucarne défendue par une petite grille de fer: la scène, à droite et à gauche, est occupée par des arbres et des rochers. Il fait encore nuit.

Titzikan, Tartares, Un Tartare
 

[N. 1 - Introduction]

Approchez sans défiance

Vous voyez, mes amis

Titzikan, Un Tartare
Tartares ->

Mais, Titzikan, quel est ton dessein

[N. 2 - Air]

(Ici le thèâtre s'éclaire par degrés)

Le soleil se lève; retirons-nous...

(Titzikan et le Tartare se cachent)

Titzikan, Un Tartare
<- Floreski, Varbel

Fort bien, seigneur, continuez...

[N. 3 - Aria]

Que pouvais-je faire ?

(Titzikan et les Tartares paraisent)

Varbel, voici des Tartares

[N. 4 - Quatuor]

Titzikan, Floreski, Un Tartare, Varbel
Étrangers, n’ayez point d’alarmes

(Le combat s'engage; Varbel se bat avec le Tartare qu'il poursuit jusques hors du thèâtre.)

Titzikan, Floreski
Varbel, Un Tartare ->

Un brave homme, tel que toi

Titzikan, Floreski
<- Varbel

Gardez-vous, seigneur, d’écouter

Titzikan, Floreski, Varbel
<- Tartares

Arrêtez !... Arrêtez !...

[N. 5 - Trio et chœur]

Titzikan, Floreski, Varbel, Chœur
Jurons, quoiqu’il faille entreprendre

En te quittant, Floreski

Floreski, Varbel
Titzikan, Tartares ->

Quel étonnant langage !

[N. 6 - Polonaise]

 

 

Floreski, Varbel
<- Lodoïska

[N. 7 - Final]

Floreski ! Floreski !...

Lodoïska, Florteski, Varbel
Sois prudent, je t’en conjure
Floreski, Varbel
Lodoïska ->

Eh ! bien: qu’allons nous entreprendre ?

Floreski, Varbel
<- Altamoras, Soldats

Étrangers, pourrait-on s’instruire

Altamoras, Chœur, Floreski, Varbel
C’est l’usage en entrant ici
Floreski, Varbel, Altamoras, Soldats ->
 
Scène première Scène deuxième Scène troisième Scène quatrième Scène cinquième Scène sixième Scène septième Scène huitième Scène neuvième Scène dixième
Le thèâtre représente une forêt. On voit au fond un château antique, en avant une tour très-élevée... Le thèâtre représente une galerie antique, très-profonde, extraimement riche d'architecture, ornée... Même decoration.
[Ouverture] [N. 1 - Introduction] [N. 2 - Air] [N. 3 - Aria] [N. 4 - Quatuor] [N. 5 - Trio et chœur] [N. 6 - Polonaise] [N. 7 - Final] [N. 8 - Récitatif et Air] [N. 9 - Duo] [N. 10 - Septuor et Chœur] [N. 11 - Trio] [N. 12 - Air] [N. 13 - Final II] [N. 14 - Air] [N. 15 - Air] [N. 16 - Quatuor] [N.17 - Final]
Acte deuxième Acte troisième

• • •

Texte PDF Réduit