Acte quatrième

 
Premier tableau.
 

I. Scène première

Le cabinet du Roi. Philippe, plongé dans une méditation profonde, est appuyé sur une table couverte de papiers, où des flambeaux achèvent de se consumer.
Le jour commence à éclairer les vitraux des fenêtres.
Philippe.

 Q 

Philippe

 
[Scène et cantabile]

 N 

 

(comme en un rêve)  

Elle ne m'aime pas ! non !

Son cœur m'est fermé,

elle ne m'a jamais aimé !

Je la revois encor,

regardant en silence

mes cheveux blancs,

le jour qu'elle arriva de France.

Non, elle ne m'aime pas !

Elle ne m'aime pas !

(Revenant à lui-même.)

Où suis-je ? Ces flambeaux

sont consumés... L'aurore argente ces vitraux,

voici le jour ! Hélas ! Le sommeil salutaire,

le doux sommeil a fui pour jamais ma paupière !

Je dormirai dans mon manteau royal,

quand aura lui pour moi l'heure dernière,

je dormirai sous les voûtes de pierre

des caveaux de l'Escurial !

Si la royauté nous donnait le pouvoir

de lire au fond des cœurs où dieu seul peut tout voir !

Si le roi dort, la trahison se trame,

on lui ravit sa couronne et sa femme !

Je dormirai dans mon manteau royal, etc.

Ah ! Si la royauté nous donnait le pouvoir

de lire au fond des cœurs !

Elle ne m'aime pas ! non ! son cœur m'est fermé,

elle ne m'aime pas !

(Il retombe dans sa rêverie.)

 

I. Scène deuxième

Philippe, Le comte de Lerme, L'inquisiteur.

<- Le comte de Lerme, L'inquisiteur, Dominicains

 

LE COMTE DE LERME

(entrant)  

Le Grand Inquisiteur !

 
(Lerme sort. Le Grand Inquisiteur, aveugle, 90 ans, entrant appuyé sur deux Dominicains)

Le comte de Lerme ->

 

L'INQUISITEUR

Suis-je devant le roi ?  

PHILIPPE

Oui, j'ai recours à vous, mon père, éclairez-moi.

L'infant remplit mon cœur d'une tristesse amère,

l'infant est un rebelle armé contre son père.

L'INQUISITEUR

Qu'avez-vous décidé contre lui ?

PHILIPPE

Tout... ou rien !

L'INQUISITEUR

Expliquez-vous !

PHILIPPE

Qu'il fuie... ou que le glaive...

L'INQUISITEUR

Eh bien ?

PHILIPPE

Si je frappe l'infant, ta main m'absoudrait-elle ?

L'INQUISITEUR

La paix du monde vaut le sang d'un fils rebelle.

PHILIPPE

Puis-je immoler mon fils au monde, moi chrétien ?

L'INQUISITEUR

Dieu, pour nous sauver tous, sacrifia le sien.

PHILIPPE

Peux-tu fonder partout une foi si sévère ?

L'INQUISITEUR

Partout où le chrétien suit la foi du Calvaire.

PHILIPPE

La nature et le sang se tairont-ils en moi ?

L'INQUISITEUR

Tout s'incline et se tait lorsque parle la foi !

PHILIPPE

C'est bien !

L'INQUISITEUR

Philippe deux n'a plus rien à me dire ?

PHILIPPE

Non !

L'INQUISITEUR

C'est donc moi qui vous parlerai, sire !

 

 

Dans ce beau pays, pur d'hérétique levain,  

un homme ose saper l'édifice divin.

Il est l'ami du roi, son confident intime,

le démon tentateur qui le pousse à l'abîme,

les desseins criminels dont vous chargez l'infant

ne sont auprès des siens que les jeux d'un enfant;

et moi, l'inquisiteur, moi, pendant que je lève

sur d'obscurs criminels la main qui tient le glaive,

pour les puissants du monde abjurant mon courroux,

je laisse vivre en paix ce grand coupable... et vous !

 

PHILIPPE

Pour traverser les jours d'épreuves où nous sommes,  

j'ai cherché dans ma cour, ce vaste désert d'hommes,

un homme, un ami sûr... Je l'ai trouvé !

L'INQUISITEUR

Pourquoi

un homme ? Et de quel droit vous nommez-vous le roi,

sire, si vous avez des égaux ?

PHILIPPE

Tais-toi, prêtre !

 

L'INQUISITEUR

L'esprit des novateurs chez vous déjà pénètre !

Vous voulez secouer de votre faible main

le saint joug étendu sur l'univers romain !

Rentrez dans le devoir ! l'église en bonne mère,

peut encore accueillir un repentir sincère.

Livrez-nous le marquis de Posa !

 

PHILIPPE

Non, jamais !

 

L'INQUISITEUR

O roi, si je n'étais ici, dans ce palais

aujourd'hui: par le dieu vivant, demain vous-même,

vous seriez devant nous au tribunal suprême !

 

PHILIPPE

Prêtre ! J'ai trop souffert ton orgueil criminel !  

L'INQUISITEUR

Pourquoi l'évoquiez-vous, l'ombre de Samuel ?

J'avais donné deux rois à ce puissant empire,

l'oeuvre de tous mes jours, vous voulez la détruire...

Que viens-je faire ici ? De moi que voulez-vous ?

(Il va pour sortir.)

PHILIPPE

Mon père, que la paix redescende entre nous.

L'INQUISITEUR

(en s'éloignant toujours)

La paix ?

PHILIPPE

Que le passé soit oublié !

L'INQUISITEUR

(sur la porte en sortant)

Peut-être !

PHILIPPE

L'orgueil du roi fléchit devant l'orgueil du prêtre !

 

L'inquisiteur, Dominicains ->

 

I. Scène troisième

Philippe, Élisabeth.

<- Élisabeth

 
[Scène et Quatuor]

 N 

 

ÉLISABETH

(entrant, et se jetant aux pieds du roi)  

Justice ! sire ! J'ai foi

dans la loyauté du roi !

Je suis dans votre cour indignement traitée

et par des ennemis inconnus insultée...

Mon coffret, il contient, sire, tout un trésor,

mes bijoux des objets plus précieux encor...

On l'a volé ! chez moi ! justice ! je réclame

de votre majesté !

(En voyant l'expression terrible du visage de Philippe, Élisabeth s'arrête, épouvantée. Le roi se lève lentement, prend un coffret sur la table et le présente à la reine.)

PHILIPPE

Votre coffret, madame,

le voilà !

ÉLISABETH

Ciel !

PHILIPPE

Vous plaît-il de l'ouvrir ?

(Élisabeth refuse du geste)

PHILIPPE

Je l'ouvrirai donc, moi !

(il brise le coffret)

ÉLISABETH

(à part)

Dieu ! viens me secourir !

PHILIPPE

Un portrait de l'infant !...

Un portrait de l'infant ?

ÉLISABETH

Oui !

PHILIPPE

Parmi vos bijoux ?

ÉLISABETH

Oui !

PHILIPPE

Quoi ! vous l'avouez devant moi ?

ÉLISABETH

Devant vous !

 

 

Ce portrait... je l'avais en France.  

Lorsque dieu vous fit mon époux,

à l'infant j'étais fiancée !

Comment chasser da ma pensée

le lien qui fut entre nous ?

J'ai pour Carlos un cœur de mère.

Si dieu daigne m'entendre

un jour l'infant trouvera chez son père

ah ! plus de justice et plus d'amour !

PHILIPPE

Vous me parlez avec hardiesse !

Vous ne m'avez connu qu'en des jours de faiblesse

mais la faiblesse un jour peut devenir fureur.

Alors, malheur, malheur sur vous. Ah !

 

ÉLISABETH

Quel crime ai-je commis ?  

PHILIPPE

Parjure !

Si l'infamie a comblé la mesure,

si vous m'avez trahi... par le dieu tout puissant,

tremblez ! tremblez ! je verserai le sang !

ÉLISABETH

Je vous plains !

PHILIPPE

Vous ! Me plaindre ? Une femme adultère !

ÉLISABETH

(elle tombe évanouie)

Ah !

PHILIPPE

(ouvrant les portes)

Secourez la reine !

 

I. Scène quatrième

Les mêmes, Eboli, Rodrigue.

<- Eboli, Rodrigue

 
(Eboli entre précipitamment, Rodrigue un peu après.)
 

EBOLI

(Effrayée en voyant la reine évanouie.)  

Oh... ciel ! Que vois-je ? Hélas !

RODRIGUE

(à Philippe)

Sire !... à vous obéit la moitié de la terre:

êtes-vous donc, dans vos vastes états,

le seul à qui vous ne commandiez pas ?

 

PHILIPPE

(à part)  

Maudit soit le soupçon infâme,

œuvre d'un démon odieux !

Non ! la fierté de cette femme

n'est pas le crime audacieux !

RODRIGUE

(à part)

Il faut agir et voici l'heure.

La foudre gronde au sein des cieux !

Que pour l'Espagne un homme meure

en lui léguant des jours heureux !

En lui léguant l'avenir radieux !

EBOLI

Ô remords ! amère tristesse !

Que mon pardon vienne de cieux.

Cruel remords !...

ÉLISABETH

(revenant elle)

Où suis-je ? hélas ! ma pauvre mère,

vois les pleurs qui brûlent mes yeux,

je suis sur la terre étrangère !

Mon seul espoir est dans les cieux.

 
(Le roi sort après un peu d'hésitation. Rodrigue le suit avec un geste résolu. Eboli reste seule auprès de la reine.)

Philippe, Rodrigue ->

 

I. Scène cinquième

Eboli, Élisabeth, Le comte de Lerme.

 
[Scène et Air]

 N 

 

EBOLI

(se jetant aux pieds d'Élisabeth)  

Pitié ! Pardon pour la femme coupable !

ÉLISABETH

Relevez-vous ! Quel crime ?...

EBOLI

Ah ! le remords m'accable !

Mon cœur est désolé.

Ange du ciel, reine auguste et sacrée,

sachez à quel démon l'enfer vous a livrée !

Votre coffret... c'est moi qui l'ai volé !

ÉLISABETH

Vous !

EBOLI

Oui, par moi vous fûtes accusée !

ÉLISABETH

Par vous !

EBOLI

Oui ! L'amour, la fureur, ma haine contre vous !

Tous les tourments jaloux déchaînés dans mon cœur.

J'aimais l'infant... l'infant m'a repoussée !

ÉLISABETH

J'ai tout compris... à mon œil étonnéé

se montre la trame effroyable...

mais de ce cœur au remords condamné,

je plains la douleur misérable.

EBOLI

L'affreux remords, enfer au feu vengeur

brûle mon âme misérable,

et rien jamais ne finira l'horreur

de cette torture effroyable.

ÉLISABETH

(à part)

(Ah ! Que le ciel pardonne

à ses amers regrets,

que sa bonté lui donne

l'espérance et la paix !)

EBOLI

Mon cœur brisé frissonne

de douleur, de regrets,

dieu jamais ne pardonne

à de pareils forfaits.

(Elle tombe à genoux.)

ÉLISABETH

Vous l'aimiez ? Levez-vous... j'ai déjà pardonné !

EBOLI

Point de pardon ! encore un aveu terrible.

ÉLISABETH

Encore ?

EBOLI

Le crime irrémissible

dont je vous accusais, je l'avais commis, moi...

une séduction... le roi !

ÉLISABETH

(à part)

Horreur !

(Elle se voile et sort en silence.)

 

Élisabeth ->

EBOLI

Elle m'a condamnée !  

Tout est fini, je suis du ciel abandonnée !

 

<- Le comte de Lerme

LE COMTE DE LERME

Princesse, rendez-moi votre croix !  

EBOLI

Se peut-il que je revoie encore ma noble souveraine ?

LE COMTE DE LERME

Vous choisirez avant l'aube

prochaine entre un cloître et l'exil !

Vivez heureuse !

(Il sort.)

Le comte de Lerme ->

 

I. Scène sixième

Eboli, seul.

 

 

Ah ! Je ne verrai plus la reine !  

 

Ô don fatal et détesté,    

présent du ciel en sa colère !

ô toi qui rends la femme si fière,

je te maudis, ô ma beauté !

Tombez, tombez, larmes amères !

mes trahisons et mes forfaits,

mes souillures et mes misères,

vous ne les laverez jamais !

Je te maudis, ô ma beauté !

Adieu, reine, victime pure

de mes déloyales et folles amours !

Dans un couvent et sous la bure,

je m'ensevelis pour toujours !

Et Carlos ?... Oui ! demain, peut-être,

il tombera sous le fer sacré !

Ah ! un jour me reste ! Ah ! je me sens renaître !

Béni ce jour... Je le sauverai !

S

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Deuxième tableau.
 

II. Scène première

Prison de Don Carlos. Au fond des grilles de fer séparent la prison d'une cour qui la domine, et dans laquelle les gardes vont et viennent. Un escalier de pierre descend dans cette cour des étages supérieurs du palais.
Rodrigue, Don Carlos

 Q 

Don Carlos

 
(Don Carlos est assis, la tête dans ses mains, perdu dans ses pensées. Rodrigue entre et parle bas à quelques officiers. Il fait un mouvement qui tire Don Carlos de sa rêverie.)

<- Rodrigue

 

RODRIGUE

C'est moi, Carlos !  

DON CARLOS

(lui donnant la main)

Mon Rodrigue ! Il est beau

à toi de me venir trouver dans ce tombeau !

RODRIGUE

Carlos !

DON CARLOS

Tu l'as compris, ma force est abattue !

L'amour d'Élisabeth me torture et me tue...

Non ! je ne puis plus rien pour les hommes ! Mais toi,

donne-leur les jours d'or qu'ils attendaient de moi !

RODRIGUE

Ah ! connais mieux mon âme et ma tendresse;

tu vas sortir de ce funèbre lieu.

Avec quel doux orgueil sur mon cœur je te presse !

Je t'ai sauvé !

DON CARLOS

Comment ?

RODRIGUE

Il faut nous dire adieu !

(Don Carlos reste immobile, regardant Rodrigue avec stupeur)
 

Oui, Carlos ! C'est mon jour suprême,  

échangeons l'adieu solennel.

Dieu permet encore qu'on s'aime

près de lui, quand on est au ciel.

Dans tes yeux tout baignés de larmes,

pourquoi donc ce muet effroi ?

Qui plains-tu ? La mort a des charmes,

ô mon Carlos, à qui meurt pour toi !

 

DON CARLOS

(tremblant)  

Que parles-tu de mort ?...

RODRIGUE

Écoute ! Le temps presse...

J'ai détourné de toi la foudre vengeresse !

Aujourd'hui... le rival du roi,

le traître agitateur de la Flandre... c'est moi !

DON CARLOS

Malheureux ! qui croira ?...

RODRIGUE

Vingt preuves amassées !

Tes papiers chez moi surpris,

preuves de trahison qu'à dessein j'ai laissées...

Ma tête en ce moment sans doute est mise à prix !

 
(Deux hommes descendent l'escalier de pierre de la prison; l'un d'eux vêtu de l'habit du Saint-Office, l'autre armé d'une arquebuse. Ils s'arrêtent et se montrent Don Carlos et Rodrigue qui ne les voient pas-)

<- Deux hommes

 

DON CARLOS

J'irai devant le roi...  

RODRIGUE

Garde-toi pour la Flandre !

 

 

Garde-toi pour notre œuvre, il la faudra défendre...  

Un nouvel âge d'or renaîtra sous ta loi,

oui, tu devais régner, et moi mourir pour toi !

 
(Un coup de fusil.)
 

DON CARLOS

Ciel ! La mort ! Pour qui donc ?

RODRIGUE

(blessé mortellement)

Pour moi !...

La vengeance du roi ne se fait pas attendre !

(Il tombe dans les bras de Don Carlos éperdu.)

DON CARLOS

Grand dieu !

RODRIGUE

Carlos, écoute... Ta mère  

t'attend à Saint-Just demain;

elle sait tout !... Ah ! La terre

me manque... Ô Carlos ! ta main...

ah ! je meurs l'âme joyeuse,

car tu vis sauvé par moi...

 

Ah ! je vois l'Espagne heureuse !  

Adieu ! Carlos, ah ! souviens-toi !

Carlos, souviens-toi !...

Oui, tu devais régner,

et moi mourir pour toi !

Ah ! Je meurs l'âme joyeuse,

car tu vis sauvé par moi...

Ah ! Je vois l'Espagne heureuse !

Adieu ! Carlos, ah ! souviens-toi !

Ah ! La terre

me manque... Carlos, ta main...

Carlos ! Ah ! sauve la Flandre !

Adieu ! Carlos, ah ! adieu !

 
(Il meurt. Don Carlos tombe désespéré sur son corps.)
 

II. Scène deuxième

Philippe, Don Carlos, Suite de Philippe, Grands d'Espagne, Le comte de Lerme.

<- Philippe, Suite de Philippe, Grands d'Espagne, Le comte de Lerme

 
(Entrent Philippe, sa suite, Grands d'Espagne et le comte de Lerme. Don Carlos agenouillé près du cadavre de Rodrigue)
 

PHILIPPE

(à Don Carlos, après un silence)  

Mon fils, reprenez votre épée.

Ma confiance fut trompée,

mais le traître a subi son sort !

(Il tend les bras à Don Carlos)

Venez !

DON CARLOS

(au désespoir sur le cadavre de Rodrigue)

Arrière ! De ce mort

le sang a rejailli jusqu'à votre visage !

Dieu marque votre front du sceau de son courroux !

PHILIPPE

Mon fils !

DON CARLOS

Vous n'avez plus de fils ! Choisissez-vous

parmi ceux des bourreaux un fils à votre image !

PHILIPPE

(à sa suite, voulant sortir)

Suivez-moi !

DON CARLOS

(l'arrêtant avec violence)

Connaisseur profond du cœur humain,

vous saurez quel sang pur a versé votre main !

Il m'aimait et nous étions frères...

Nos cœurs étaient liés par d'éternels serments;

méprisant vos bienfaits, méprisant vos colères,

c'est pour moi qu'il est mort !

PHILIPPE

Dieu ! Mes pressentiments !

DON CARLOS

O roi de meurtre et d'épouvante !

Cherche qui portera ta couronne sanglante

quand ta dernière heure aura lui !

(montrant le cadavre de Rodrigue)

Mes royaumes sont près de lui !

(Il se jette sur le corps de Rodrigue)

 

PHILIPPE

Qui me rendra ce mort ? Ô funèbres abîmes !  

Celui-là seul... parmi tant de victimes !

Un homme, un seul, un héros était né,

j'ai brisé cet appui que dieu m'avait donné !

Oui, je l'aimais... sa noble parole

à l'âme révélait un monde nouveau !

Cet homme fier... ce cœur de flamme,

c'est moi qui l'ai jeté dans l'horreur du tombeau !

Qui me rendra ce mort ?

LES COURTISANS

Ah ! C'est en vain que nous vivons encore.

Il nous ravit le cœur du roi que le regret dévore !

Espagnols ! descendons dans la nuit du tombeau !

DON CARLOS

Ô mon ami, donne-moi ta grande âme,

fais de moi le héros de ton monde nouveau !

Remplis mon cœur de la divine flamme,

ou fais moi près de toi place dans le tombeau.

 

II. Scène troisième

Les mêmes, Comte de Lerme, Élisabeth, Chœur du peuple, puis Éboli et Le grand inquisiteur.

<- Comte de Lerme, Élisabeth, Peuple

 
(Le tocsin sonne.)
 

CHŒUR DES COURTISANS

Ciel ! le tocsin.  

LE COMTE DE LERME

(entrant, l'épée à la main)

Rébellion ô sire, sauvez vos jours...

Le peuple est en délire...

il a forcé le palais... triomphant !

Il vient pour délivrer l'infant.

 
(On emporte le cadavre de Rodrigue. Carlos le suit désespéré.)
 

ÉLISABETH

(entrant, très agitée)

Sauvez le roi !

Sire ! je tremble pour votre majesté !

Fuyons ensemble !

PHILIPPE

(avec autorité, désignant les portes du fond derrière lesquelles la foule menaçante est déjà parvenue)

Ouvrez ces portes ! je le veux !

ÉLISABETH

Ciel !

LE COMTE DE LERME

Le peuple est furieux

CHŒUR DU PEUPLE

(dans les coulisses, derrière les portes du fond)

La mort, la mort à qui nous arrête !

Frappons sans pitié, sans peur !

Tremblez devant le peuple vengeur !

Frappons, frappons, frappons !

LE COMTE DE LERME

Grands d'Espagne, sauvez le roi !

GRANDS D'ESPAGNE

(l'épée à la main)

Morts aux rebelles ! Vive le roi !

 
(Le peuple entre en scène violemment)

<- peuple

 

CHŒUR DU PEUPLE

La mort, la mort à qui nous arrête !

Frappons !

PHILIPPE

(au peuple)

Frappez ! Que tardez-vous ?

LES COURTISANS, LE COMTE DE LERME

Vive le roi !

PHILIPPE

Me voilà ! du courage !

CHŒUR DU PEUPLE

Frappons !

LES COURTISANS, LE COMTE DE LERME

Vive le roi !

PHILIPPE

Egorgez, égorgez un vieillard,

hommes au cœur loyal !

Et sur mon corps sanglant

marchez pour rendre hommage

à mon fils revêtu de mon manteau royal.

CHŒUR DU PEUPLE

Ah ! cette voix !...

PHILIPPE

Frappez !

Me voilà ! du courage !

CHŒUR DU PEUPLE

Ces regards !...

 
(Pendant cette scène, un page est entré; se glissant parmi la foule il s'approche de Carlos et lui jette un manteau sur ses épaules. Ce page est Eboli, qui avant de sortir, s'approche de la reine.)

<- Eboli

 

LE PEUPLE

Dieu lui-même a parlé.

Sur nos fronts va tomber l'anathème.

EBOLI

(à la reine et à part)

Voyez si je l'aimais !

Courant les carrefours,

j'ai soulevé le peuple

et j'ai sauvé ses jours !

Le cloître m'attend ! Adieu... reine !

ÉLISABETH

Grands dieux ! Ah ! je me soutiens à peine !

 
(Le grand inquisiteur paraît au fond.)

<- L'inquisiteur

 

L'INQUISITEUR

À genoux !  

LE PEUPLE, LES COURTISANS, LE COMTE DE LERME

(reculant)

Le grand inquisiteur !...

L'INQUISITEUR

Ô peuple sacrilège

prosterne-toi devant celui que dieu protège !

(avec autorité)

À genoux ! à genoux ! à genoux !

PHILIPPE, L'INQUISITEUR

À genoux !

 

LE PEUPLE

(tombant à genoux)

Seigneur ! Pardonnez-nous, pardonnez-nous !

PHILIPPE

Grand dieu, gloire à toi !

LES COURTISANS

(l'épée à la main)

Vive le Roi !

 
(Le Grand Inquisiteur descend vers Philippe, qui va à sa rencontre au milieu du peuple agenouillé. Eboli se jette aux pieds de la reine, qui lui tend la main en signe de pardon.)
 

Fin (Acte quatrième)

Acte premier Acte deuxième Acte troisième Acte quatrième Acte cinquième

Le cabinet du Roi. Philippe, plongé dans une méditation profonde, est appuyé sur une table couverte de papiers, où des flambeaux achèvent de se consumer. Le jour commence à éclairer les vitraux des fenêtres

Philippe
 

[Scène et cantabile]

Philippe
<- Le comte de Lerme, L'inquisiteur, Dominicains

Le Grand Inquisiteur!

Philippe, L'inquisiteur, Dominicains
Le comte de Lerme ->

Suis-je devant le roi?

Pour traverser les jours d'épreuves où nous sommes

 

 

Prêtre! J'ai trop souffert ton orgueil criminel!

Philippe
L'inquisiteur, Dominicains ->
Philippe
<- Élisabeth

[Scène et Quatuor]

Justice! sire! J'ai foi

Quel crime ai-je commis?

Philippe, Élisabeth
<- Eboli, Rodrigue

Oh... ciel! Que vois-je? Hélas!

Philippe, Rodrigue, Eboli, Élisabeth
Maudit soit le soupçon infâme
Élisabeth, Eboli
Philippe, Rodrigue ->

[Scène et Air]

Pitié! Pardon pour la femme coupable!

Eboli
Élisabeth ->

Elle m'a condamnée!

Eboli
<- Le comte de Lerme

Princesse, rendez-moi votre croix!

Eboli
Le comte de Lerme ->

Ah! Je ne verrai plus la reine!

Prison de Don Carlos. Au fond des grilles de fer séparent la prison d'une cour qui la domine, et dans laquelle les gardes vont et viennent. Un escalier de pierre descend dans cette cour des étages supérieurs du palais.

Don Carlos
 
Don Carlos
<- Rodrigue

C'est moi, Carlos! / Mon Rodrigue! Il est beau

Que parles-tu de mort?... / Écoute! Le temps presse...

Don Carlos, Rodrigue
<- Deux hommes

J'irai devant le roi

(Un coup de fusil)

Carlos, écoute... Ta mère

(Il meurt. Don Carlos tombe désespéré sur son corps.)

Don Carlos, Rodrigue, Deux hommes
<- Philippe, Suite de Philippe, Grands d'Espagne, Le comte de Lerme

Mon fils, reprenez votre épée.

Philippe, Les courtisans, Don Carlos
Qui me rendra ce mort? Ô funèbres abîmes!
Don Carlos, Rodrigue, Deux hommes, Philippe, Suite de Philippe, Grands d'Espagne, Le comte de Lerme
<- Comte de Lerme, Élisabeth, Peuple

(Le tocsin sonne.)

Chœur, Le comte de Lerme, Élisabeth, Philippe
Ciel! le tocsin.
Don Carlos, Rodrigue, Deux hommes, Philippe, Suite de Philippe, Grands d'Espagne, Le comte de Lerme, Comte de Lerme, Élisabeth, Peuple
<- peuple
 
Don Carlos, Rodrigue, Deux hommes, Philippe, Suite de Philippe, Grands d'Espagne, Le comte de Lerme, Comte de Lerme, Élisabeth, Peuple, peuple
<- Eboli
 
Don Carlos, Rodrigue, Deux hommes, Philippe, Suite de Philippe, Grands d'Espagne, Le comte de Lerme, Comte de Lerme, Élisabeth, Peuple, peuple, Eboli
<- L'inquisiteur

À genoux! / Le grand inquisiteur!...

 
 
I. Scène première I. Scène deuxième I. Scène troisième I. Scène quatrième I. Scène cinquième I. Scène sixième II. Scène première II. Scène deuxième II. Scène troisième
La forêt de Fontainebleau. L'hiver. Le palais dans le lointain. À droite, un grand... Le cloître du couvent Saint-Just. À droite, une chapelle éclairée, avec le tombeau de Charles-Quint, qu'on... Un site riant aux portes du couvent de Saint-Just. Une fontaine, des bancs de gazon, massifs d'orangers,... Les jardins de la reine. Préparatifs d'une fête. Au fond, sous une arcade d'architecture, une statue... Dans une grotte féerique, toute de nacre, de coraux et de madrépores, des perles merveilleuses, les plus... Les jardins de la reine. La nuit. Une grande place devant la cathédrale de Valladolid À droite, l'église laquelle conduit un grand escalier. À... Le cabinet du Roi. Philippe, plongé dans une méditation profonde, est appuyé sur une table couverte de... Prison de Don Carlos. Au fond des grilles de fer séparent la prison d'une cour qui la domine, et... Le cloître de Saint-Just. La nuit. Effet de lune.
[Introduction] [Récit et Romance] [Scène et Duo] [Scène Et Final] [Scène Et Prière] [Scène et Duo] [Chœur et Scène] [Chanson Du Voile] [Scène, Terzettino Dialogué et Romance] [Grande Scène et Duo] [Scène et Romance] [Scène et Duo] [Introduction et Chœur] [Scène, Duo et Trio] [Grand Finale] [Marche] [Scène et cantabile] [Scène et Quatuor] [Scène et Air] [Scène et Air] [Scène et Duo d'adieu]
Acte premier Acte deuxième Acte troisième Acte cinquième

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