Troisième partie

 

Scène neuvième

Des tambours et des trompettes sonnant au loin la retraite.
Faust, le soir, dans la chambre de Marguerite

 Q 

Faust

 

FAUST

Merci, doux crépuscule ! Oh ! sois le bienvenu !    

Éclaire enfin ces lieux, sanctuaire inconnu,

où je sens à mon front glisser comme un beau rêve,

comme le frais baiser d’un matin qui se lève.

C’est de l’amour, j’espère... Oh ! comme on sent ici

s’envoler le souci !

Que j’aime ce silence, et comme je respire

un air pur !... Ô seigneur,

après ce long martyre,

que de bonheur !

Ô jeune fille ! ô ma charmante !

Ô ma trop idéale amante !

Quel sentiment j’éprouve en ce moment fatal !

Que j’aime à contempler ton chevet virginal !

Quel air pur je respire !

Seigneur ! Seigneur !

Après ce long martyre,

que de bonheur !

S

 
(Faust, marchant lentement, examine avec une curiosité passionnée l’intérieur de la chambre de Marguerite.)
 

Scène dixième

Méphistophélès, Faust.

<- Méphistophélès

 

MÉPHISTOPHÉLÈS
(accourant)

Le voici, je l’entends ! Sous ces rideaux de soie  

cache-toi.

FAUST

Dieu ! mon cœur se brise dans la joie !

MÉPHISTOPHÉLÈS

Profite des instants. Adieu, modère-toi,

ou tu la perds.

(Il cache Faust sous les rideaux.)

Bien. Mes follets et moi

nous allons vous chanter un bel épithalame.

(Il sort.)

Méphistophélès ->

 

FAUST

Oh ! calme-toi, mon âme !  

 

Scène onzième

Marguerite, Faust.

<- Marguerite

 

MARGUERITE

(entrant, une lampe à la main)  

Que l’air est étouffant !

J’ai peur comme une enfant;

c’est mon rêve d’hier qui m’a toute troublée...

En songe je l’ai vu... lui... mon futur amant.

Qu’il était beau ! Dieu ! j’étais tant aimée !

Et combien je l’aimais !

Nous verrons-nous jamais

dans cette vie ?...

Folie !...

(Elle chante en tressant ses cheveux.)

 
[Le roi de Thulé – Chanson gothique]

 N 

Premier couplet  

Autrefois un roi de Thulé,

qui jusqu’au tombeau fut fidèle,

reçut, à la mort de sa belle,

une coupe d’or ciselé.

Comme elle ne le quittait guère,

dans les festins les plus joyeux,

toujours une larme légère

à sa vue humectait ses yeux.

Deuxième couplet

Ce prince, à la fin de sa vie,

lègue ses villes et son or,

excepté la coupe chérie

qu’à la main il conserve encor.

Il fait, à sa table royale,

asseoir ses barons et ses pairs,

au milieu de l’antique salle

d’un château que baignaient les mers.

Troisième couplet

Le buveur se lève et s’avance

auprès d’un vieux balcon doré;

il boit, et soudain sa main lance

dans les flots le vase sacré.

Le vase tombe; l’eau bouillonne,

puis se calme aussitôt après.

Le vieillard pâlit et frissonne:

il ne boira plus désormais.

Autrefois un roi de Thulé...

Jusqu’au tombeau... fut fidèle...

(Profond soupir.)

Ah !...

Sfondo schermo () ()

 
 
 

Scène douzième

Une place devant la maison de Marguerite.
Méphistophélès, Follets.

 Q 

Méphistophélès, Follets

 
[Évocation]

 N 

 

MÉPHISTOPHÉLÈS

Esprits des flammes inconstantes,  

accourez ! j’ai besoin de vous.

Follets capricieux, vos lueurs malfaisantes

vont charmer une enfant et l’amener à nous.

Au nom du diable, en danse !

Et vous, marquez bien la cadence,

ménétriers d’enfer, ou je vous éteins tous.

 
(Les follets exécutent des évolutions et des danses bizarres autour de la maison de Marguerite.)
 
[Ballet]

 N 

 

 

(faisant le geste d’un homme qui joue de la vielle)  

Maintenant,

chantons à cette belle une chanson morale,

pour la perdre plus sûrement.

 
[Sérénade de Méphistophélès avec Chœur de follets]

 N 

 

Devant la maison  

de celui qui t’adore,

petite Louison,

que fais-tu dès l’aurore ?

Au signal du plaisir,

dans la chambre du drille,

tu peux bien entrer fille,

mais non fille en sortir.

Il te tend les bras:

près de lui tu cours vite.

Bonne nuit, hélas !

Bonne nuit, ma petite.

Près du moment fatal

fais grande résistance,

s’il ne t’offre d’avance

un anneau conjugal.

 

CHŒUR

Il te tend les bras

etc.

 

MÉPHISTOPHÉLÈS

Chut ! chut ! disparaissez !... silence !...  

(Les follets s'abiment.)

Allons voir roucouler nos tourtereaux.

 

Follets ->

 

Scène treizième

Chambre de Marguerite.
Faust, Marguerite.

 Q 

Marguerite, Faust

 

MARGUERITE

(apercevant Faust)  

Grands dieux !

Que vois-je ! est-ce bien lui ? dois-je en croire mes yeux ?...

FAUST

Ange adoré dont la céleste image

avant de te connaître illuminait mon cœur,

enfin je t’aperçois, et du jaloux nuage

qui te cachait encor mon amour est vainqueur.

Marguerite, je t’aime !

MARGUERITE

Tu sais mon nom ? Moi-même

j’ai souvent dit le tien:

Faust !...

FAUST

Ce nom est le mien;

un autre le sera, s’il te plaît davantage.

MARGUERITE

En songe je t’ai vu tel que je te revois.

FAUST

En songe !... tu m’as vu !...

MARGUERITE

Je reconnais ta voix,

tes traits, ton doux langage...

FAUST

Et tu m’aimais ?

MARGUERITE

Je... t’attendais.

FAUST

Marguerite adorée !

MARGUERITE

Ma tendresse inspirée

était d’avance à toi.

FAUST

Marguerite est à moi !

 

MARGUERITE

Mon bien-aimé, ta noble et douce image  

avant de te connaître illuminait mon cœur,

enfin je t’aperçois, et du jaloux nuage

qui te cachait encor mon amour est vainqueur.

Ensemble

FAUST

Ange adoré dont la céleste image

avant de te connaître illuminait mon cœur,

enfin je t’aperçois, et du jaloux nuage

qui te cachait encor mon amour est vainqueur.

FAUST

(avec élan)

Marguerite ! ô tendresse !

Cède à l’ardente ivresse

qui vers toi m’a conduit.

Ensemble

MARGUERITE

Je ne sais quelle ivresse,

brûlante enchanteresse,

dans ses bras me conduit.

 

MARGUERITE

Quelle langueur s’empare de mon être !...  

FAUST

Au vrai bonheur dans mes bras tu vas naître.

Viens...

MARGUERITE

Dans mes yeux des pleurs...

Tout s’efface... Je meurs...

 

Scène quatorzième

Faust, Marguerite, Méphistophélès.

<- Méphistophélès

 

MÉPHISTOPHÉLÈS

(entrant brusquement)  

Allons, il est trop tard !

MARGUERITE

Quel est cet homme ?

FAUST

Un sot.

MÉPHISTOPHÉLÈS

Un ami.

MARGUERITE

Son regard

me déchire le cœur.

MÉPHISTOPHÉLÈS

Sans doute je dérange...

FAUST

Qui t’a permis d’entrer ?

MÉPHISTOPHÉLÈS

Il faut sauver cet ange !

Déjà tous les voisins, éveillés par nos chants,

accourent, désignant la maison aux passants;

en raillant Marguerite, ils appellent sa mère.

La vieille va venir...

FAUST

Que faire ?

MÉPHISTOPHÉLÈS

Il faut partir !

FAUST

Damnation !

MÉPHISTOPHÉLÈS

Vous vous verrez demain; la consolation

est bien près de la peine.

MARGUERITE

Oui, demain, bien-aimé ! Dans la chambre prochaîne

déjà j’entends du bruit.

 

FAUST

Adieu donc, belle nuit  

à peine commencée ! Adieu, festin d’amour

que je m’étais promis !

MÉPHISTOPHÉLÈS

Partons, voilà le jour !

FAUST

Te reverrai-je encor, heure trop fugitive,

où mon âme au bonheur allait enfin s’ouvrir !

 

MÉPHISTOPHÉLÈS

La foule arrive:  

hâtons nous de partir !

 

CHŒUR DE VOISINS ET VOISINES
(dans la rue)

Holà ! mère Oppenheim, vois ce que fait ta fille !  

L'avis n'est pas hors de saison:

un galant est dans ta maison,

et tu verras dans peu s'accroître ta famille.

 

MARGUERITE

Ciel ! entends-tu ces cris ? Devant dieu, je suis morte

si l’on te trouve ici !

MÉPHISTOPHÉLÈS

Viens ! on frappe à la porte !

FAUST

Ô fureur !

MÉPHISTOPHÉLÈS

Ô sottise !

MARGUERITE

Adieu, adieu, par le jardin

vous pouvez échapper.

FAUST

Ô mon ange ! à demain !

MÉPHISTOPHÉLÈS

À demain ! à demain !

FAUST

Je connais donc enfin tout le prix de la vie,

le bonheur m’apparaît, il m’appelle et je vais le saisir.

L’amour s’est emparé de mon âme ravie,

il comblera bientôt mon dévorant désir.

MÉPHISTOPHÉLÈS

Je puis donc à mon gré te traîner dans la vie,

fier esprit ! Sans combler ton dévorant désir,

l’amour en t’enivrant doublera ta folie,

et le moment approche où je vais te saisir.

Ensemble

MARGUERITE

Ô mon Faust bien-aimé, je te donne ma vie !

Pourrai-je te charmer au gré de mon désir ?...

L'amour s'est emparé de mon âme ravie.

Il m'entraîne vers toi: te perdre, c'est mourir.

 

CHŒUR
(au dehors)

Holà ! mère Oppenheim, vois ce que fait ta fille

etc.

 

Fin (Troisième partie)

Première partie Deuxième partie Troisième partie Quatrième partie Épilogue

La chambre de Marguerite.

Faust
 
Faust
<- Méphistophélès

Le voici, je l’entends ! Sous ces rideaux de soie

Faust
Méphistophélès ->

Oh ! calme-toi, mon âme !

Faust
<- Marguerite

Que l’air est étouffant !

[Le roi de Thulé – Chanson gothique]

Une place devant la maison de Marguerite.

Méphistophélès, Follets
 

[Évocation]

Esprits des flammes inconstantes

(Ballet.)

[Ballet]

Maintenant, chantons à cette belle une chanson morale

[Sérénade de Méphistophélès avec Chœur de follets]

Méphistophélès, Chœur
Devant la maison

Chut ! chut ! disparaissez !... silence !...

Méphistophélès
Follets ->

Chambre de Marguerite.

Marguerite, Faust
 

Grands dieux ! / Que vois-je ! est-ce bien lui ?

Quelle langueur s’empare de mon être !...

Marguerite, Faust
<- Méphistophélès

Allons, il est trop tard !

La foule arrive

Choeur, Marguerite, Méphistophélès, Faust
Holà ! mère Oppenheim, vois ce que fait ta fille !
 
Scène neuvième Scène dixième Scène onzième Scène douzième Scène treizième Scène quatorzième
Plaine de Hongrie. Une autre partie de la plaine. Nord de l’Allemagne, cabinet de travail de Faust. La cave d’Auerbach à Leipzig. Bosquets et prairies du bord de l’Elbe. La chambre de Marguerite. Une place devant la maison de Marguerite. Chambre de Marguerite. Chambre de Marguerite. Forêts, cavernes. Plaines, montagnes et vallées. L'enfer. Terre et ciel.
[Ronde en chœur] [Marche hongroise] [Hymne de la Fête de Pâques] [Chanson de Brander] [Fugue sur le thème de la chanson de Brander] [Chanson de Méphistophélès] Air de Méphistophélès Songe de Faust Ballet des sylphes [Final] [Le roi de Thulé – Chanson gothique] [Évocation] [Ballet] [Sérénade de Méphistophélès avec Chœur de follets] [Romance] [Invocation à la nature] [La course à l’abîme] [Pandæmonium - Chœur en langue inconnu] [Apothéose de Marguerite]
Première partie Deuxième partie Quatrième partie Épilogue

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