Acte troisième

 

Scène première

Le thèâtre représente la même decoration qu'au seconde acte, mais moins éclairée, parce que le jour commence à tomber.
Évandre, Coriphées, Peuple.

 Q 

Évandre, Coriphées, Peuple

 

ÉVANDRE, LES CORYPHÉES

Nous ne pouvons trop répandre de larmes,  

Alceste touche au moment du trépas.

Son époux ne survivra pas

à la perte de tant de charmes.

ÉVANDRE

Ô, peuple infortuné !

UN CORYPHÉE

Quel funeste avenir !...

TOUS

Pleure, ô patrie !

ô Thessalie !

Alceste va mourir.

 

Scène seconde

Les acteurs de la scène précédente, Hercule et sa suite.

<- Hercule, Suite

 

HERCULE

(au fond du thèâtre)  

Après de longs travaux entrepris pour la gloire,

l’implacable Junon me laisse respirer.

Hercule à l’amitié pourra donc se livrer,

et jouir dans se bras du fruit de la victoire.

(Au peuple.)

Mais que vois-je ? Pourquoi répandés-vous des larmes ?

ÉVANDRE

Vous ignorés donc nos malheurs,

Admette... Alceste...

HERCULE

Admette !...

ÉVANDRE

Hélas !

Nous ne pouvons trop répandre de larmes,

Alceste touche au moment du trépas.

Aux portes de la mort elle a porté ses pas.

Malgré nos pleurs, nos cris, Admette l’a suivie.

Pleure, ô patrie !

ô Thessalie !

Alceste va mourir !

HERCULE
(avec transport)

Au pouvoir de la mort je saurai la ravir.

Reposés-vous sur un ami sensible.

Reposés-vous sur ce bras invincible.

Au pouvoir de la mort je saurai la ravir.

Mais tandis que Phœbus brille sur l'émisphere,

esclave du destin à qui tout obéit,

la mort n'ôse franchir la fatale barrière,

qui sépare le jour de l'éternelle nuit.

 
Air.

C’est en vain que l’enfer compte sur sa victime.  

Non, vous ne perdrés pas l’objet de votre amour,

je descendrai plutôt aux ténébreux abîme.

J’en jure par le dieu qui me donna le jour.

 
(Ils sortent.)

Hercule, Suite, Évandre, Coriphées, Peuple ->

 
 

Scène troisième

Le thèâtre représente un site affreux: le fond est rempli par des arbres desséchés et brisés. Sur un des côtés on voit des rochers suspendus et menaçants; de l'autre une caverne, d'où il sort de tems en tems un feu obscur. C'est l'entrée des enfers: en avancement des arbres, et un peu de côté, est l'autel de la mort, il est de pierre brute, et paré d'une faux. Le jour est palé et tombant, et il diminue progressivement.
Alceste, Dieux infernales, qu'on ne voit pas.

 Q 

(aucun)

<- Alceste

 

ALCESTE

(entrant)  

Grands dieux ! soutenés mon courage !

Avançons, je frémis !... consommons notre ouvrage.

Ciel ! quel affreux séjour ! où suis-je, justes dieux ?

Tous mes sens sont saisis d’une terreur soudaine:

tout de la mort dans ces horribles lieux

reconnoît la loi souveraine.

Ces arbres desséchés, ces rochers menaçants;

la terre dépouillée, aride et sans verdure,

le bruit lugubre et sourd de l’onde qui murmure,

des oiseaux de la nuit le ténébreux accents:

cet antre, cet autel... ces spectre effrayants,

cette pâle clarté dont la lumière obscure

répand sur ces objets une nouvelle horreur,

tout de mon cœur glacé redouble la terreur,

dieux ! que mon entreprise est pénible et cruelle !

La terre se refuse à mes pas chancelants,

et mes genoux tremblants

s’affaissent sous le poids de ma frayeur mortelle.

(Elle tombe sur un rocher.)

(Elle se reléve, et fait un pas vers l'autel de la mort.)

Ah ! l’amour me redonne une force nouvelle,

à l’autel de la mort lui-même il me conduit,

et des antres profonds de l’éternelle nuit

j’entends sa voix qui m’appelle.

LE CHŒUR DES DIVINITÉS INFERNALES

Malheureuse, où vas-tu ?

ALCESTE

Dieux, je succombe.

(Elle retombe.)

LE CHŒUR

Attends.

Pour tenter de descendre aux rivage funèbres,

que le jour qui te fuit fasse place aux ténèbres,

tu n’attendras pas long-tems.

 
Air.

ALCESTE

Ah ! divinités implacables !    

Ne craignés pas que par mes pleurs,

je veuille fléchir les rigueurs

de vos cœurs impitoyables.

La mort a pour moi trop d’appas,

elle est mon unique espérance:

ce n’est pas vous faire une offense,

que de vous conjurer de hâter mon trépas.

S

Sfondo schermo () ()

 

Scène quatrième

Alceste, Dieux infernales, qu'on ne voit pas, Admette, qui entre égaré.

<- Admette

 

ALCESTE

Ciel ! Admette, ô moment terrible !  

(Elle retombe.)

ADMETTE

Que vois-je ! Alceste, Alceste !... justes dieux !

Aux portes des enfers, Alceste !

ALCESTE

Ah ! malheureux !

Eh ! que viens-tu chercher dans ce séjour horrible ?

ADMETTE

La mort... les dieux ont rejetté mes vœux,

Apollon même est insensible,

et sourd à mes cris douloureux:

la mort... la mort... est tout ce que je veux.

ALCESTE

Que dis-tu ? Ciel !... Admette ! ô désespoir affreux !

Tes sujets ! nos enfants ! n’es-tu donc plus leur père ?

 
Air.

Vis pour garder le souvenir  

d’une épouse qui te fut chère,

qui ne vivait que pour te plaire,

et qui, pour toi, voulut mourir.

 

ADMETTE

Vivre sans toi ! moi ! vivre sans Alceste;  

vivre pour abhorrer la lumière céleste,

et ces barbares dieux, auteurs de tous nos maux,

sans cesse déchiré par des tourments nouveaux,

j’irois traîner des jour que je déteste;

je pourrois ?... ciel !...

 
Air.

Alceste ! Alceste, au nom des dieux !    

Sois sensible au sort qui m’accable,

ah ! prends pitié d’un époux misérable,

et ne le livre point à ces tourments affreux.

Errant dans ce palais qu’embellissoient tes charmes,

je chercherois en vain la trace de tes pas,

en proie à la douleur, les yeux baigné de larmes,

je pousserois des cris que tu n’entendrais pas.

Pour adoucir l’excès de ma misère,

j’irois embrasser mes enfants,

j’entendrais leurs plaintifs accents,

je les verrois frémir à l’aspect de leur père;

me reprocher ta mort, me demander leur mère.

Alceste ! Alceste, au nom des dieux !

Sois sensible au sort qui m’accable,

ah ! prends pitié d’un époux misérable,

et ne le livre point à ces tourments affreux.

S

 
Air.

UN DIEU INFERNAL

Caron t'appelle, entends sa voix ?  

De la parque, un de vous doit être le partage.

Alceste ! c'est à toi de décider son choix;

révoque le vœu qui t'engage,

Admette de la mort subira seul les loix.

 

ADMETTE

Alceste ! si pour moi ta tendresse est extrême,  

Alceste, il faut me le prouver.

ALCESTE

Cruel ! tu voudrois me priver

du bonheur de sauver les jours de ce que j'aime.

ADMETTE

Ciel ! aux dépens des tiens !

ALCESTE

Ne sont-ils pas à toi,

ces jours que je te sacrifie ?

Ah ! depuis que l'hymen nous lie,

Admette, tu le sais, ils ne sont plus à moi.

ADMETTE

Et cruelle, tu veux renoncer à la vie ?

ALCESTE

Le devoir et l'amour m'en imposent la loi.

ADMETTE

Si tu meurs, croi-tu donc qu'Admette puisse vivre ?

Non, si je ne puis t'attendrir,

si ton barbare cœur ne se laisse fléchir,

ton malheureux époux aux enfers va te suivre.

ALCESTE

Calme la douleur qui te presse,

et sur les gages précieux

de notre hymen et des nos feux,

réunis toute ta tendresse.

 

LE CHŒUR DES DIVINITÉS INFERNALES

Alceste, Alceste: le jour fuit,

et le destin qui te poursuit,

a marqué ta heure fatale;

suis-nous dans la nuit infernale.

 

ALCESTE

Adieu, cher époux !

ADMETTE

Arrêtés !

ALCESTE

C’en est fait.

 

ADMETTE

Arrêtés, barbares déités;  

exercés sur moi seul votre rage inhumaine,

ensevelissés-moi dans la nuit du trépas.

LE CHŒUR DES DIVINITÉS INFERNALES

L’enfer parle, obéis à sa loi souveraine.

ADMETTE

Vous n’arracherés pas Alceste de mes bras,

cruelles !

ALCESTE

Un pouvoir invincible m’entraîne.

LE CHŒUR

L'enfer parle, obéis à sa loi souveraine.

 

Scène cinquième

Les acteurs précédens, Hercule.

<- Hercule

 

HERCULE

(volé à Alceste, la remet dans les bras d'Admette, et combat les dieux infernales)  

Fuyés, troupe inhumaine,

craignés mon bras vengeur !

LE CHŒUR DES DIVINITÉS INFERNALES

Non, non, ta rage est vaine.

Nous bravons ta valeur.

ADMETTE
(aux divinités)

Que rien ne nous sépare,

je me livre à vos coups.

ALCESTE

Que votre main barbare

épargne mon époux !

HERCULE

Dans la nuit du Tartare,

rentrés ! replongés-vous ?

Fuyés troupe inhumaine !

Craignés mon bras vengeur !

 

LE CHŒUR

(s'abîmant avec l'autel de la mort)  

Le fils de Jupiter, de l’enfer est vainqueur !

 

Scène sixième

Hercule, Admette, Alceste, Apollon.

<- Apollon

 

APOLLON

(dans son char)  

Poursuis, ô digne fils du souverain des cieux,

et l’immortalité deviendra ton partage.

Le ciel qui te regarde admire ton courage,

et ta place est déjà marquée au rang des dieux.

(à Admette et à Alceste)

Vivés, heureux époux pour servir de modèle

aux mortels que l’hymen enchaîne sous ses loix !

Que ce séjour affreux disparoisse à ma voix !

 
 
Le thèâtre change, et représente une avant-cour du palais d'Admette. Le peuple entre en foule.
 

Scène septième

Les acteurs de la scène précédente, et le peuple.

<- Peuple

 

APOLLON

Et vous, qui vous montrés à vois rois si fidèles,  

peuple, venés, accourrés dans ces lieux,

et pour des souverains, objets de tous vos vœux,

redoublés d’amour et de zèle !

HERCULE, ADMETTE, ALCESTE

(à Apollon qui remonte au ciel)

Dieu bienfaisant, ô puissance éternelle !

 

Apollon ->

 

Scène huitième

Hercule, Admette, Alceste, Peuple.

 

ADMETTE
(au peuple)

Ô mes amis ! Alceste m’est rendue.  

ALCESTE

(courant à ses enfants, qui entrent)

Ô mes enfants !

ADMETTE

Les dieux sont adoucis.

ALCESTE, ADMETTE
(aux enfants)

Je vous revois, nos malheurs sont finis.

LE CHŒUR

Ô bonheur inoui, faveur inattendue !

ADMETTE, ALCESTE

(montrant Hercule)

C’est ce héros qui nous a réunis.

 

ADMETTE, ALCESTE

Reçois, digne héros, l’hommage de deux cœurs,  

dont le bonheur surpasse l’espérance.

Par les transports de leur reconnaissance,

juge du prix de tes faveurs !

Ensemble

HERCULE

Tendres époux, c’est dans votre bonheur

que je trouve ma récompense.

Qu’il soit le prix de ma valeur !

 

LE CHŒUR

Qu’ils vivent à jamais, ces fortunés époux,

le ciel les a sauvés pour le bonheur du monde;

qu’à nos vœux, qu’à nos chants tout l’univers réponde,

l’art de nous rendre heureux fait leur soin le plus doux.

 
Fin.
 

Fin (Acte troisième)

Acte premier Acte second Acte troisième

La même decoration qu'au seconde acte, mais moins éclairée, parce que le jour commence à tomber.

Évandre, Coriphées, Peuple
 

Nous ne pouvons trop répandre de larmes

Évandre, Coriphées, Peuple
<- Hercule, Suite

Après de longs travaux entrepris pour la gloire

Hercule, Suite, Évandre, Coriphées, Peuple ->

Un site affreux: le fond est rempli par des arbres desséchés et brisés. Sur un des côtés on voit des rochers suspendus et menaçants; de l'autre une caverne, d'où il sort de tems en tems un feu obscur. C'est l'entrée des enfers: en avancement des arbres, et un peu de côté, est l'autel de la mort, il est de pierre brute, et paré d'une faux.

 
<- Alceste

(on ne voit pas les divinités infernales)

Grands dieux ! soutenés mon courage !

Alceste
<- Admette

Ciel ! Admette, ô moment terrible !

Vivre sans toi ! moi ! vivre sans Alceste

Alceste ! si pour moi ta tendresse est extrême

 

Admette, Le chœur des divinités infernales, Alceste
Arrêtés, barbares déités
Alceste, Admette
<- Hercule

(Hercule vole à Alceste, la remet dans les bras d'Admette, et combat les dieux infernale)

Hercule, Le chœur des divinités infernales, Admette, Alceste
Fuyés, troupe inhumaine

(Les divinités infernales s'abîmant avec l'autel de la mort)

Le fils de Jupiter, de l’enfer est vainqueur

(Apollon est dans son char)

Alceste, Admette, Hercule
<- Apollon

Poursuis, ô digne fils du souverain des cieux

(Le thèâtre change, et représente une avant-cour du palais d'Admette. Le peuple entre en foule.)

Alceste, Admette, Hercule, Apollon
<- Peuple

Et vous, qui vous montrés à vois rois si fidèles

Alceste, Admette, Hercule, Peuple
Apollon ->

Ô mes amis ! Alceste m’est rendue

 
Scène première Scène seconde Scène troisième Scène quatrième Scène cinquième Scène sixième Scène septième Scène huitième
Une place publique, sur un des côtés on voit en avancement le palais d'Admette, sur la porte duquel est un... Le temple d'Apollon: la statue colossale de ce dieu parôit au milieu du temple. Un vaste salon du palais d'Admette La même decoration qu'au seconde acte, mais moins éclairée, parce que le jour commence à tomber. Un site affreux: le fond est rempli par des arbres desséchés et brisés. Sur un des côtés on voit des rochers...
Acte premier Acte second

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